J ACQUES NICHET avait, après Chéreau - qui créa la pièce que Bernard-Marie Koltès avait écrite d'abord pour Jacqueline Maillan - monté « Le retour au désert ». Une comédie. Aujourd'hui, il reprend « Combat de nègre et de chiens » et l'on découvre clairement qu'il s'agit d'une tragédie. Avec son unité de lieu, de temps, d'action. Un chantier de route, un chantier qu'on laisse en plan. Deux hommes, Horn (François Chattot) et son adjoint, Cal (Loïc Houdré). C'est la nuit, en Afrique. Une action unique.
Horn a fait venir une femme qu'il veut épouser, Léone (Martine Schambacher). Cal s'est laissé manger par l'âpre terre. Il est violent. Raciste. Un africain surgit, Alboury (Alain Aithnard) qui réclame le corps d'un homme qui a été tué accidentellement sur ce chantier, dans les dernières heures. Mais les blancs ont jeté le cadavre aux égouts. Il y aura affrontement. Défaite.
Le personnage principal, ici, c'est la nuit qui résonne de mille et un sons étranges, de cris, d'appels (Bernard Vallery). Une pluie de feuilles ne cesse de tomber (beau décor de Laurent Peduzzi, dans les pas de l'inoubliable et monumentale scénographie de son frère aîné Richard Peduzzi pour Chéreau). Des feuilles, des insectes aussi que l'on ne voit pas mais contre lesquels on se débat. C'est ce qui est beau, ici : on ne sait jamais qui l'on doit affronter, on ne voit pas les visages, on devine à peine les corps (lumières Marie Nicolas, maquillages Sophie Niesseron). C'est exactement ainsi que Bernard-Marie Koltès avait écrit sa pièce. Tout ce qui compte, c'est la langue.
Il y a un style Koltès, reconnaissable entre mille, en rien prosaïque, en rien naturaliste, une langue qui a quelque chose, on ne l'a jamais si bien compris, du Français de l'Afrique. Quelque chose de naturellement solennel, quelque chose du Français IIIe République des instituteurs, une belle langue, châtiée, correcte, précise, une langue métissée des humeurs africaines, de ce sourd lyrisme de la palabre que Koltès aimait tant.
La distribution est belle. François Chattot, énergumène, grande carcasse, si belle voix, est impressionnant. Alain Aithnard est très ferme dans son jeu, très aristocratique. Comme un guerrier apaisé. Loïc Houdré a la juste nervosité délitée de Cal. Martine Schambacher, l'acidité touchante de Léone. Du beau travail.
Théâtre de la Ville, à 20 h 30 du mardi au samedi, en matinée le dimanche à 15 heures (01.42.74.22.77). Durée : 2 heures sans entracte. Jusqu'au 17 mars. Le texte de la pièce est publié aux Editions de Minuit.
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