Congrès de l’European Society of Cardiology (ESC)

Vers de nouveaux concepts thérapeutiques

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Publié le 07/09/2017

« Cette année à Barcelone, c’est une grande édition du congrès de l’ESC, notamment avec l’avènement d’un nouveau concept thérapeutique né de l’étude CANTOS. Un anticorps anti interleukine 1ß (IL-1ß) de longue durée d’action (1 injection tous les 3 mois), le canakinumab, a démontré son bénéfice chez les patients coronariens, en diminuant la morbimortalité après un syndrome coronarien aigu », rapporte le Pr Galinier.

Une voie thérapeutique sans précédent

Dans cet essai international réalisé dans 39 pays et incluant 10 061 patients, le canakinumab aux doses de 150 et 300 mg réduit de 15 % le critère primaire, le taux de MACE (évènements cardiaques indésirables graves associant décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal et AVC non fatal), par rapport au groupe placebo. En diminuant de 39 % la protéine C réactive (CRP), la molécule a également un impact sur le mécanisme inflammatoire.

« Même si l’analyse en sous-groupe a montré une homogénéité des résultats, il faudra à l’avenir sélectionner au mieux les patients qui pourront en tirer un bénéfice ». En effet, chez les patients traités après un infarctus du myocarde et présentant un risque résiduel lié à l’hypercholestérolémie, les anticorps monoclonaux (anti-PCSK9) permettent de diminuer le cholestérol par voie injectable. Par contre, les patients avec un syndrome inflammatoire résiduel et une CRP élevée (supérieure à 2), pourraient bénéficier de l’action anti-inflammatoire du canakinumab.

« Si les anticorps monoclonaux se sont illustrés dans le traitement de l’hypercholestérolémie, cette nouvelle voie thérapeutique est une première dans la pathologie coronaire. Elle influence non seulement les évènements cardiovasculaires mais réduit également de 51 % la mortalité par cancer et de 67 % l’incidence du cancer du poumon. Il faut maintenant confirmer les résultats par d’autres études ».

Cet essai pose également l’intérêt d’évaluer le canakinumab dans les cancers bronchiques.

Cependant, le point négatif de l’étude est la surmortalité par infection engendrée par le canakinumab : 0,31 (tous groupes canakinumab confondus) versus 0,18 (placebo) pour 100 personnes années (p = 0,02).

Insuffisance cardiaque : privilégier l’ablation en cas de fibrillation atriale

« En matière d’insuffisance cardiaque (IC), le congrès a été dominé par les résultats de l’étude CASTLE AF qui démontrent l’intérêt de la procédure d’ablation (traitement par radiofréquence) chez les patients ayant de manière concomitante une fibrillation atriale (FA) et une IC à fraction d’éjection réduite. Dans l’ensemble de la population (sans IC), le retour en rythme sinusal améliore les symptômes mais pas le pronostic. Ce ne serait pas le cas chez les patients en IC à fraction d’éjection réduite… En effet, l’étude CASTLE montre pour la première fois que le retour en rythme sinusal va non seulement améliorer la fraction d’éjection systolique ventriculaire gauche, les symptômes, la qualité de vie et l’insuffisance à l’effort, mais va aussi diminuer la mortalité cardiovasculaire (CV) et les hospitalisations pour aggravation d’IC. Nous allons changer notre paradigme… »

Dans cet essai réalisé chez 397 patients, les résultats montrent une diminution d’environ 50 % des récurrences de FA au long cours, évaluées grâce à la présence d’un défibrillateur cardiaque multisite chez tous les patients. De plus, une amélioration considérable de 8 % de la fraction d’éjection systolique est observée. À 37,8 mois de suivi, le critère primaire (associant la mortalité toutes causes confondues et les hospitalisations pour aggravation d’IC) est diminué de 38 % (28,5 % dans le groupe ablation versus 44,6 % dans le bras contrôle, p = 0,007).

« De façon exceptionnelle, on constate surtout une réduction de 47 % de la mortalité totale ». Ce traitement permet également une baisse de 44 % des hospitalisations pour aggravation d’IC et de 51 % de la mortalité CV. Quelques complications rares et graves (effusion péricardique, AVC…) ont cependant été rapportées.

« En cas de FA et d’une IC récentes (1 an), il faudra s’acharner à rétablir un rythme sinusal par radiofréquence. Chez certains patients on va guérir l’IC et faire disparaître la dysfonction systolique ventriculaire gauche amenant à porter le diagnostic de tachycardiomyopathie, chez les autres on améliorera la fonction systolique ventriculaire gauche (fraction d’éjection) de façon nettement significative. L’étude CASTLE démontre que ce traitement est associé à une diminution des évènements CV. Ceci va changer considérablement notre pratique et le travail des équipes de rythmologie interventionnelle car jusqu’à 40 % des patients en IC sont en FA ».

« Cet essai nécessitera d’être confirmé par des études de plus grande envergure et de mieux cerner l’indication. C’est pour l’instant l’IC récente qui en tire des bénéfices. À l’avenir, l’étape ultérieure pourrait être de tester le bénéfice de la radiofréquence chez les patients avec IC à fraction d’éjection préservée, pour lesquels il est encore plus important de maintenir la séquence de contractions auriculoventriculaires par le rythme sinusal ».

D’après l’interview du Pr Michel Galinier, service de cardiologie (CHU Toulouse)
Ridker PM et al. Anti-Inflammatory Therapy with Canakinumab for Artherosclerotic Disease : CANTOS
Marrouche NF et al. Catheter Ablation versus Standard conventional Treatment in patients with LEft ventricular dysfunction and Atrial Fibrillation : The CASTLE-AF trial

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr