Arthrose

Vers des thérapies ciblées

Publié le 07/04/2015
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Dans l'arthrose liée à l'âge, moduler la voie des lamines pourrait être intéressant

Dans l'arthrose liée à l'âge, moduler la voie des lamines pourrait être intéressant
Crédit photo : PHANIE

Si l’arthrose atteint toujours le cartilage, c’est toutefois une maladie pluritissulaire qui intéresse aussi la membrane synoviale et l’os sous-chondral.

« La conduite à tenir thérapeutique pourrait dans l’avenir être en partie guidée par le tissu qui en plus du cartilage est principalement atteint à l’IRM (synoviale ou os sous-chondral) », explique le Pr Jérémie Sellam L’atteinte IRM de la membrane synoviale témoigne de phénomènes inflammatoires importants. « Des thérapies ciblant les molécules libérées par la synoviale, par exemple l’IL6 ou l’IL1 pourraient avoir un intérêt. Ainsi, un essai (1) évaluant un anti-IL6 dans l’arthrose des mains coordonné par le Pr Pascal Richette à l’hôpital Lariboisière va débuter. La négativité des essais antérieurs (anti-IL1) était peut-être liée aux critères d’inclusion (patients avec arthrose non inflammatoire). Un nouvel anti-IL1 est en cours d’étude chez des patients arthrosiques avec composante inflammatoire ».

En l’absence d’anomalies de la synoviale, « de nouvelles molécules (2) pourraient protéger le cartilage, notamment les inhibiteurs des métalloprotéases (enzymes qui dégradent le cartilage dans l’arthrose) ou certains facteurs de croissance comme le recombinant human Fibroblast Growth Factor 18 ».

Lorsque l’atteinte de l’os sous-chondral prédomine, certains traitements anti-ostéoporotiques pourraient être efficaces : « dans la gonarthrose avec œdème IRM témoignant d’une atteinte de l’os sous-chondral, une étude (3) avec l’acide zolédronique est positive ».

Approche phénotypique

Trois principaux phénotypes d’arthrose sont identifiables selon les facteurs de risque que sont l’âge, le syndrome métabolique (incluant l’obésité) et les traumatismes. Chaque phénotype pourrait relever de mécanismes physiopathologiques propres provoquant l’arthrose. Des approches thérapeutiques spécifiques focalisées sur ces phénotypes sont à l’étude. « Les traitements pourraient s’orienter vers un meilleur contrôle d’une comorbidité ou vers une modulation pharmacologique d’un mécanisme biologique spécifique du phénotype concerné », explique le Pr Jérémie Sellam.

Dans l’arthrose liée au diabète et au syndrome métabolique : « les statines sont peu concluantes dans la gonarthrose. Des voies moléculaires connues (stress oxydant, produits avancés de glycation) pourraient être de nouvelles cibles thérapeutiques ».

Dans l’arthrose liée à l’obésité : « les adipokines sécrétées par les adipocytes mais aussi les chondrocytes pourraient être modulés de façon pharmacologique ».

Dans l’arthrose post-traumatique, le complément joue un rôle. « Le moduler précocement après un traumatisme (notamment sa fraction C5 possiblement impliquée dans la dégradation précoce du cartilage) pourrait éviter l’arthrose à long terme. Des expériences chez le petit animal ont été réalisées ».

Enfin, dans l’arthrose liée à l’âge : « moduler la voie des lamines, ou les produits de glycation avancés qui augmentent en cas de diabète ou lors du vieillissement, pourrait être intéressant (la lamine A est mutée chez les enfants atteints de progéria) ».

Le phénotype douloureux pourrait relever de traitements spécifiques ciblant les voies de signalisations de la douleur. « La piste des anti-NGF (Nerf Growth Factor) est la plus probante, avec des essais (4) positifs sur la douleur. L’avenir de ces molécules est conditionné par les données de tolérance, des cas d’arthrose destructrice ayant été décrits avec le tanezumab à dose forte ou en association aux AINS. Les essais de molécules ciblant d’autres voies de signalisation de la douleur (P2X3…), sont actuellement moins concluants », indique le Pr Jérémie Sellam.

D’après un entretien avec le Pr Jérémie Sellam, hôpital Saint-Antoine, Paris

(1) Chevalier X et al. Nat. Rev. Rheumatol. 2013;9:400-10

(2) Hunter DJ et al. Nat. Rev. Rheumatol. 2011;7:13-22

(3) Lasllet LL et al. Ann. Rheum. Dis. 2012;71:1322-8

(4) Schnitzer TJ et al. Osteoarthritis Cartilage 2015;23S1:S8-S17

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialiste