Imagerie spectrale

Vers une analyse de plus en plus fine des tissus

Publié le 19/10/2015
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Le scanner conventionnel donne une image en niveaux de gris qui se base sur la valeur moyenne de l’absorption (ou plutôt du coefficient d’atténuation linéaire du spectre de rayons X) à travers la matière pour un kilovoltage donné.

Mais deux éléments peuvent avoir une densité voisine pour le même kilovoltage. Grâce à l’acquisition en double énergie, deux spectres RX sont différenciés, et de ce fait les différents éléments constituant la matière peuvent être séparés les uns des autres.

C’est tout l’intérêt de l’imagerie spectrale, qui permet la reconstruction d’une image basée sur les caractéristiques d’atténuation de chaque élément qui compose la matière étudiée. L’image n’est plus exprimée en unité Hounsfield mais en énergie (keV). Connaître le comportement d’un élément à différents niveaux d’énergie permet donc d’apporter des informations supplémentaires par rapport à une acquisition mono énergie classique. Ainsi, dans le cas du calcium et de l’iode, leur courbe spécifique d’atténuation à une énergie donnée est différente, ce qui permet d’avoir une quantification spécifique pour chacun et donc de caractériser les tissus imagés.

Une des toutes premières applications il y a 3-4 ans fut l’étude de la composition des calculs rénaux. Les calculs rénaux d’acide urique et oxalique peuvent en effet avoir une densité UH voisine pour un kV donné. En utilisant deux spectres acquis à des tensions pic différentes (80 et 140 kVp), les profils d’atténuation seront différents en fonction de l’élément examiné.

Aujourd’hui, les techniques d’imagerie spectrale sont différentes selon les constructeurs. Certains appareils font deux tours de spires à deux kilovoltages différents (par exemple 70 kVp et 150 kVp), puisque le spectre varie en fonction du kilovoltage. Un autre constructeur a mis au point une technique de changement très rapide de tensions d’acquisition (80 kVp puis à 140 kVp en quelques millisecondes) grâce à des détecteurs innovants et brevetés. L’acquisition ne se fait plus en deux passages mais au cours d’un même et seul passage, sans risque de décalage entre deux tours de spires. Un autre constructeur propose quant à lui l’acquisition à l’aide de deux tubes à RX émettant simultanément et à 90° d’écart à des tensions différentes (70 kVp et 150 kVp).

D’autres machines en cours de développement, des compteurs de photons, vont émettre à différentes énergies et récupérer les photons de celles-ci. Il ne s’agira plus d’une imagerie à double énergie mais d’une imagerie sur toute la longueur du spectre, permettant ainsi une quantification des matériaux encore plus précise.

En pratique, l’imagerie spectrale devrait à l’avenir permettre une analyse plus précise des composants tissulaires et de leurs fonctions indépendamment les uns des autres. « Si aujourd’hui, conclut le Pr Frank Boudghene (Paris), l’imagerie spectrale permet déjà de déterminer la composition d’un calcul ou la quantification de perfusion d’iode lors de recherche d’embolie pulmonaire, nous espérons dans les années à venir qu’elle nous aidera à préciser la caractérisation d’une tumeur et sa réponse au traitement en routine clinique. Elle serait alors, sinon compétitive, tout au moins complémentaire d’autres techniques comme l’IRM. Plusieurs équipes y travaillent. C’est un défi important ! ».

Entretien avec le Pr Frank Boudghene, hôpital Tenon, Paris. Fédération d’imagerie du cancer de la société française de radiologie
Dr Brigitte Martin

Source : Bilan spécialiste