De notre correspondante
L E thé vert jouit d'une grande popularité en Asie et sa réputation grandit depuis peu en Occident. On lui prête en effet diverses vertus bénéfiques pour l'organisme. Comparé au thé noir, dont les feuilles sont fermentées, le thé vert ne l'est pas et contient davantage de polyphénols. Ces molécules sont, non seulement, anti-oxydantes, mais elles inhibent la prolifération cellulaire et favorisent l'apoptose. Des travaux chez l'animal ont montré que ces molécules ont des effets antimutagènes, anticancérigènes et anti-inflammatoires. Enfin, des études cas témoins suggèrent que la consommation de thé vert pourrait diminuer le risque de certains cancers (estomac, peau, poumon, prostate), de maladie coronarienne et d'infections microbiennes.
Toutefois, les études cas témoins, on le sait, peuvent être trompeuses. Les vertus du thé vert font donc l'objet maintenant d'un examen plus rigoureux au cours de diverses études prospectives et d'intervention, bien plus fiables pour déterminer une relation de cause à effet.
Tsubono (université de Tohoku, Sendai, Japon) et coll. publient cette semaine dans le « NEJM » les résultats d'une étude prospective de cohorte qui a donc évalué l'association entre la consommation de thé vert et le risque de cancer de l'estomac.
Certaines études cas témoins (4 sur 7) avaient trouvé une association inverse significative entre ces paramètres et un travail prospectif, conduit chez des Japonais d'Hawaï, n'avait pas montré de protection.
Plus de 26 300 habitants
L'étude de Tsubono et coll. porte sur plus de 26 300 habitants de la préfecture de Miyagi, une région rurale au nord du Japon, où l'incidence du cancer gastrique est relativement élevée. En 1984, ces personnes (âgées de plus de 40 ans) ont rempli un questionnaire détaillé comprenant entre autres diverses questions sur certaines habitudes alimentaires.
Fin 1992 (soit un suivi de près de 200 000 personnes-années), les investigateurs ont identifié dans cette cohorte 419 cancers gastriques. Dans le questionnaire, la consommation quotidienne de thé vert a été divisée en quatre catégories : moins d'une tasse de 100 ml (19 % des participants), de 1 à 2 tasses (17 %), de 3 à 4 tasses (22 %), et de 5 tasses ou plus (42 %).
Après divers ajustements (sexe, âge, ulcère peptique, tabagisme, alcool, autres facteurs alimentaires, niveau socio-économique), l'étude ne montre aucune association significative entre la consommation de thé vert et le risque de cancer gastrique (risque relatif : 1,2 avec 5 tasses ou plus, comparé à moins d'une tasse/jour ; IC95 % : de 0,9 à 1,6). Les résultats sont similaires lorsque les cas de cancers durant les trois premières années sont éliminés.
L'évidence épidémiologique la plus solide
« Ces résultats représentent l'évidence épidémiologique la plus solide à ce jour sur la relation entre la consommation de thé vert et le risque de cancer gastrique », notent dans un éditorial associé les Drs Sano et Sasako (centre hospitalier national du cancer à Tokyo, Japon).
« L'interprétation de ces résultats est toutefois compliquée », ajoutent les éditorialistes. La consommation de thé vert était associée à de nombreux facteurs confondants qui peuvent augmenter ou diminuer le risque de cancer gastrique. Il est dommage, observent-ils aussi, que la catégorie supérieure de consommation de thé vert n'ait pas été subdivisée en 5 à 9 tasses par jour et plus de 10 tasses, car la réduction du risque de cancer gastrique trouvée dans les études cas témoins a été observée chez ceux qui consomment plus de 10 tasses par jour (ou 1 litre). Un litre de thé n'est pas un volume énorme et correspond à une capsule d'extrait de thé vert. Des données supplémentaires seraient donc précieuses, et des études de cohortes et d'intervention sont en cours au Japon.
« New England Journal of Medicine », 1er mars 2001, pp. 632 et 675.
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