Si le Covid-19 a donné un sérieux coup d’arrêt à toute l’activité médicale hors coronavirus, quelques actualités importantes ont quand même émaillé ces trois derniers mois. Remboursement du test HPV, mise à disposition des gliflozines… Retour sur ce que vous avez peut-être manqué pendant l’épidémie.
Le test HPV remboursé
En juillet 2019, la Haute Autorité de santé (HAS) a préconisé une nouvelle stratégie nationale de dépistage du cancer du col de l’utérus, plaçant le test HPV en première intention pour toutes les femmes de plus de 30 ans. Huit mois plus tard, un décret paru en toute discrétion le 23 mars a entériné sa prise en charge par l’Assurance maladie dans cette indication. Ce remboursement « permettra à toutes les femmes de bénéficier d’un dépistage optimal, qui était jusqu’à présent réservé à celles qui en avaient les moyens », se félicite la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale.
Par rapport au frottis, le test HPV (recherche de l’acide désoxyribonucléique des papillomavirus humains) a en effet une meilleure sensibilité (environ 98-99 % vs 50-70 %). Selon la nouvelle stratégie de dépistage, il doit donc être proposé d’emblée à toutes les femmes de 30 à 65 ans, le frottis restant la règle entre 25 et 30 ans. En cas de résultat négatif, le test HPV est à réitérer tous les cinq ans. En cas de test positif, une cytologie cervico-utérine est pratiquée sur le même prélèvement. Si le résultat de la cytologie est positif (lésions ASC-US ou anomalies plus sévères), la femme doit être rappelée pour colposcopie. Si le résultat de la cytologie est normal, la recherche d’HPV est à renouveler après un an afin de voir si l’infection persiste ou a régressé (sans traitement ni geste). Si, lors de ce second round, le test et la cytologie sont positifs, la recommandation est de procéder alors à une colposcopie. En revanche, si l’infection a régressé spontanément, le prochain test sera effectué cinq ans après.
En pratique, le prélèvement sur milieu liquide reste la règle car il permet de réaliser les deux examens – HPV et cytologie – sur le même matériel.
Le test HPV est également remboursé dans le cadre du dépistage individuel, avec des indications de prise en charge chez les femmes de moins de 30 ans après une cytologie cervico-utérine anormale. Il est aussi remboursé en suivi de traitement.
Les gliflozines arrivent en France
Finie l’exception française. Après plusieurs années de discussions, les inhibiteurs de SGLT2 (ou gliflozines) ont fait leur entrée en France avec la mise à disposition courant avril de la dapagliflozine.
Selon l’AMM, cet antidiabétique oral est indiqué dans le diabète de type 2 (DT2), chez l’adulte mal contrôlé en monothérapie en cas d’intolérance à la metformine ou en plurithérapie. Les conditions de remboursement sont plus restrictives. Malgré un effet jugé modeste sur la réduction de l’HbA1c, la HAS s’est en effet prononcée en faveur du remboursement (SMR modéré) dans le diabète de type 2 mais uniquement en bithérapie avec la metformine ou avec un sulfamide, et en trithérapie en association à la metformine et à un sulfamide hypoglycémiant ou à l’insuline. L’association à un iDPP4 n’a pas été entérinée (SMR insuffisant).
« Nos prescriptions doivent coller à l’AMM, commente le Pr Charles Thivolet (président de la Société francophone du diabète, SFD), mais en ciblant plus spécifiquement certains patients, dans une approche personnalisée et préventive sur le plan cardiovasculaire et rénal, comme les sujets hypertendus ou obèses, ceux ayant une maladie cardiovasculaire avérée, une insuffisance cardiaque ou une maladie rénale chronique, tout en respectant les contre-indications. »
Au cours de ces dernières années, plusieurs études de sécurité cardiovasculaire ont en effet suggéré que dans le DT2, les gliflozines pourraient avoir un intérêt en termes de prévention cardiovasculaire et rénale, indépendamment de leur action sur la glycémie et l’HbA1c, avec des bénéfices variables selon les molécules. Pour la dapagliflozine, l’étude Declare-Timi retrouve une baisse de 47 % du risque d’événement rénal et une réduction significative du risque de morbimortalité cardiaque, avec une diminution de 17 % du critère « hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou décès CV ». Ces données ont conduit plusieurs sociétés savantes, dont la SFD, à en en faire une option de traitement préférentielle dans la stratégie de prise en charge du DT2, chez les patients à haut risque cardiovasculaire ou rénal. Pourtant, les inhibiteurs de SGLT2 sont longtemps restés indisponibles en France en raison d’un rapport bénéfices-risques-coût très discuté par les autorité et de doutes quant à leur profil de tolérance.
Sur ce plan, les mycoses génitales comptent parmi les effets indésirables les plus fréquents. La survenue d’infections urinaires a été observée de façon inconstante mais n’a pas été constatée dans Declare-Timi avec la dapagliflozine. Même chose concernant le risque d’amputation, qui n’a pas été retrouvé non plus dans une grande méta-analyse en vie réelle portant sur tous les médicaments de la classe. Une dizaine de cas de gangrène de Fournier intéressant la région périnéale ont été rapportés à travers le monde, mais la relation causale reste incertaine. Enfin, des cas d’acidocétose ont été rapportées, tout particulièrement chez des patients insulinopéniques, mais restent rares.
Deux spécialités à base de dapagliflozine sont disponibles : Forxiga® (dapagliflozine 5 et 10 mg) et Xigduo® (dapagliflozine 5 mg + metformine 1 000 mg). Pour le moment, leur prescription initiale est réservée aux spécialistes en endocrinologie-diabétologie ou en médecine interne, le renouvellement pouvant être réalisé par tous les praticiens.
Premières recos françaises dédiées à la goutte
Présentées à l’oral en décembre, les premières recommandations françaises dédiées à la goutte ont été publiées mi-mai. Élaborée par la Société française de rhumatologie, elles mettent l’accent sur l’éducation du patient et préconisent des interventions thérapeutiques précoces.
Ainsi, le traitement des poussées doit être débuté idéalement dans les 12 premières heures après le début des symptômes. Cela implique que le médecin informe clairement le patient et lui remette une ordonnance afin qu’il puisse s’automédiquer. La colchicine doit être prescrite à la posologie de 1 mg puis 0,5 mg une heure plus tard, puis 0,5 mg, 2 à 3 fois/j les jours suivants. En cas de diarrhée, premier symptôme d’intoxication par la colchicine, la posologie doit être réduite, de même que chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique ou prenant des médicaments qui interfèrent avec le métabolisme de la colchicine. Les autres options thérapeutiques de première intention sont les corticoïdes systémiques ou intra-articulaires et les AINS. Les inhibiteurs de l’IL-1 sont réservés au traitement de deuxième intention.
Concernant le traitement hypo-uricémiant, il est désormais indiqué dès la première poussée, dès que le diagnostic de goutte est établi, les experts partant du principe qu’il est plus facile de réduire le stock d’urate lorsque celui-ci n’est pas trop important. Une intervention précoce laisse aussi espérer une diminution de la mortalité liée à la goutte et une diminution du risque de complications. L’objectif cible d’uricémie est fixé à moins de 360 µmol/l (50 mg/l), voire idéalement moins de 300 µmol/l. L’uricémie doit être maintenue à ces valeurs et surveillée tout au long de la vie. Le choix du médicament hypo-uricémiant repose principalement sur la fonction rénale : en cas de débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) > 60 ml/min/1,73 m2, le traitement de première ligne est l’allopurinol ; entre 30 et 60, l’utilisation d’allopurinol doit être prudente et le fébuxostat peut être envisagé comme alternative ; en dessous de 30, l’allopurinol doit être évité au profit du fébuxostat.
Pour prévenir la survenue de poussées induites par les hypo-uricémiants, ces derniers doivent être introduits à doses progressives avec un traitement par la colchicine à faible dose pendant au moins 6 mois. Le patient doit être informé de ce risque afin qu’il n’arrête pas le traitement de façon intempestive. L’éducation thérapeutique doit aussi insister sur l’importance du traitement hypo-uricémiant.