Aujourd’hui, trois générations de médecins généralistes se fréquentent au quotidien et parmi eux… des familles de praticiens, lesquels cohabitent parfois dans le même cabinet et se donnent trucs et astuces pour exercer le métier. Quid d’une endogamie médicale ?
Y a-t-il un déterminisme socio-professionnel chez les généralistes ? Un fils de praticien a-t-il plus de chance de devenir médecin qu’un fils de boulanger ? Il existe peu de travaux de recherche précis à ce sujet. Interrogées, Géraldine Bloy, sociologue autrice de Singuliers généralistes (2010), et Cécile Fournier, chercheuse à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), renvoient toutes deux à la publication Études et résultats de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees)… datant de 2006.
Celle-ci rapporte qu’en moyenne, sur la période 1990-2002, 40 % des médecins généralistes libéraux en activité avaient un père qui est (ou était) cadre supérieur. Et, selon la Drees, c’est « sans doute dû en partie à la forte propension des enfants de médecins à embrasser eux-mêmes ces professions. Malheureusement, les données disponibles sur les origines sociales ne permettent pas de quantifier cet effet de manière plus précise ». Mystère, donc ? Pas vraiment. Plus loin, elle précise : « si les phénomènes de “reproduction sociale” peuvent passer par la profession (les enfants exerçant celle de leurs parents), ils pourraient également influencer le choix du statut d’exercice (libéral ou salarié) ». Consultée en amont du dossier, la Drees a indiqué que « cette étude n’a pas été actualisée depuis » et « ne le sera pas dans les prochains mois ».
Un autre document de travail de la Drees, Séries Études n° 53, datant de 2005 et intitulé « De faire médecine à faire de la médecine », cité par le sociologue Alain Vilbrod, avance des arguments rationnels sur le déterminisme de la profession. Les enfants de praticiens, appelés « héritiers », partiraient avec une avance par rapport aux autres étudiants. « Non seulement les héritiers ont plus de chances de réussir le concours en raison de toutes les informations et les aides pratiques dont ils peuvent bénéficier, aussi bien au niveau matériel (logement, aide financière, paiement de cours privés) que cognitif (suivi du travail, contacts familiaux avec des étudiants, des médecins, des enseignants) mais ils reçoivent aussi et peut-être surtout une injonction de réussir, comme les parents, si possible mieux, précisément à cause de l’exemple qu’ils ont sous les yeux et des privilèges dont ils bénéficient. »
Le Généraliste s’est donc cette semaine intéressé à cette question de la passation du métier chez les médecins généralistes : est-ce si évident d’exercer la même profession que son parent, voire son grand-parent ; la pratique diffère-t-elle ; y a-t-il un fossé générationnel entre ces différents praticiens ?