"La guerre est une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires", disait G.Clemenceau. La médecine est-elle une chose trop sérieuse pour être confiée à des médecins ? Certes nous avons eu des ministres de la santé de formation médicale, mais ce ne sont pas forcément ceux qui ont laissé les meilleurs souvenirs.
Puisque nous devons envisager l’avenir, force est de reconnaître que le système actuel a vécu et les mesures prises par les Ségur divers et variées ne résoudront rien. Refonder le système en entier correspondrait à une révolution et elle ne pourra pas être menée par les gens en place : comme les anciens élèves de l’ENA ne pourront pas réformer l’ENA…
Deux points de vue s’opposent. Le premier est de continuer à permettre l’accès aux soins pour tous. Le deuxième est que la santé est un budget complexe.
En ce qui concerne le premier point, la population augmente et la recherche progresse, donc le nombre potentiel de patients augmente et les choix ou les tris ne sont pas éthiques, même s’il est parfois nécessaire de les faire. Arrêter un traitement, ne pas opérer, ou ne pas proposer une énième ligne de chimiothérapie représente une décision complexe et sous la menace de poursuites médico légales. Donc actuellement, on continue à soigner et les progrès de la génétique et des bio mathématiques nous annoncent une médecine personnalisée où grâce à une simple prise de sang, on fera un diagnostic et on pourra proposer les traitements les plus adaptés, pour quelques centaines d’euros en quelques jours.
Le deuxième est le coût de la médecine : et qu’est-ce qu’on y met ? Les structures médico hospitalières, les EPHAD, les maisons médicales, le personnel médical et para médical, le prix des équipements radiologiques, isotopiques, les robots, les séquenceurs, la liste est infinie jusqu’aux compresses stériles. Les médicaments, bien sûr et les grands mouvements de manche soulignant l’importance de rapatrier sur le territoire national, la production de l’ensemble de ces équipements est un vœu pieux. Comment convaincre Johnson and Johnson, Roche, Varian et tant d’autres de venir s’installer en France, où, comme il a été dit plus haut, le coût du travail est prohibitif.
Mille-feuilles administratifs
Il n’est pas possible de se passer du commerce international actuellement en matière d’équipements médicaux. Des administrateurs malins avaient imaginé que si on réduisait le nombre de médecins, le coût de la santé allait baisser ! Les recettes proviennent, elles, de la solidarité nationale ; et leur augmentation au cours des années n’est qu’un des reflets de la diminution de l’offre de l’emploi. Nos gouvernants successifs l’ont bien compris qui font ce qu’ils peuvent pour stimuler le retour au travail du plus de monde possible, sans pouvoir actuellement éponger les flux migratoires (ceux qui arrivent actuellement vont faire ce que les Français "de souche » ne veulent plus faire).
Reste la question des mutuelles. Leurs comptes sont secrets et leurs provisions considérables. Toutes les demandes de participation à des efforts pour améliorer le système de santé n’aboutissent qu’à des déclarations d’intention ; comme les sociétés cotées en bourse, elles doivent favoriser leurs affiliés en priorité.
Ce constat est sombre car ceux qui, dans le système français, pourraient ou devraient mener une réflexion sur cette réforme indispensable et de plus en plus urgente, sont ceux qui sont en place et qui patiemment ont créé les mille-feuilles administratifs, avec les tracas infernaux et parfois insolubles, pour prendre des décisions apparemment simples.
La pandémie n’a fait que mettre une nouvelle fois en évidence ces dysfonctionnements et souligner l’urgence de réformes en profondeur.
Rassurons-nous les autres pays ne sont pas mieux lotis en Europe ou aux USA, pays ou il y a 30 millions de sujets non assurés et 50 millions de mal assurés, ce qui explique certains chiffres.
Il faudra trouver de l’argent, mais dans les choix et arbitrages nécessaires, échangerons-nous l’enseignement et les ressources énergétiques contre la santé. Qui aujourd’hui dans les démocraties est capable de prendre de telles décisions ?
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