Très étonné, souvent stupéfait et même parfois écœuré en lisant les propos du Dr Patrick Mongeard, médecin spécialiste MPR (« Vers un droit à donner la mort ? », Le Quotidien du 30 septembre). Mon confrère prétend avoir assisté et visionné depuis la Belgique à un acte d’euthanasie : je lui demande de m’envoyer « la vidéo de cette exécution… » comme il le prétend. Je souhaite l’inviter à une euthanasie pratiquée en Belgique.
Reprenant une de ses phrases : « Jamais ça de la part d’un médecin normalement constitué… », je me permets de lui répondre en quelques lignes rapides. Si le Dr Mongeard a le courage de me lire, aura-t-il l’amabilité de me dire si je suis normalement constitué ?
Après une euthanasie, je me pose encore souvent la question : « Ai-je bien fait ? » Cette question revient insidieusement se glisser dans mon esprit après chaque euthanasie. Une fois que je suis loin de la chambre du malade qui vient de nous quitter, quand je me retrouve seul avec mes pensées et mes questions (mais sans aucune envie de vomir), je sais que je n’ai fait que répondre à la demande d’une femme ou d’un homme en très grande souffrance qui n’aspirait plus, qu’à une seule chose, mettre fin à son calvaire.
J'assume parfaitement
Donner la mort ne sera jamais un acte médical tout à fait comme un autre, mais j’assume parfaitement ce que je fais et pourquoi d’ailleurs devrais-je en avoir honte ? Médecin, oserais-je dire à ces nombreux patients français atteints de maladies très graves sans aucun espoir de traitement ou de guérison : « Revenez l’année prochaine, vous n’avez pas encore assez souffert et vous pouvez encore vivre quelques années dans cet état-là ! »
J’ajouterai qu’ils sont de plus en plus nombreux à venir nous voir, de très loin souvent, et parfois même en ambulance. Ces patients me disent souvent « Docteur, que suis-je devenu, j’existe encore mais je ne vis plus, je suis grabataire » etc. Médecin, mon patrimoine éthique et mon authentique fraternité m’engagent à répondre à leur demande. Ils quittent mon cabinet soulagés et au moment de l’euthanasie : ils me disent merci.
Je me sentirai plus humain, j’aurai respecté, honoré et accompagné mon patient jusqu’au bout. Les visages apaisés de ceux qui partent, les regards, tristes mais reconnaissants des proches soulagés que ce départ ait pu se faire dans les meilleures conditions, je n’en ai absolument pas honte. Bien au contraire, ces sourires, ces remerciements sont pour moi la preuve que, oui, j’ai bien fait.
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Exergue : Donner la mort ne sera jamais un acte médical tout à fait comme un autre
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