La France compte 60 millions d’experts spécialisés en… tout. Quand j’entends les commentaires des 60 millions de sélectionneurs de l’équipe de foot, j’ai tendance à sourire, mais quand j’écoute les avis des 60 millions de spécialistes en virologie et en vaccin contre le Covid-19, je frémis.
Les pseudo-écolo-populo-complotistes, qui nous expliquaient hier qu’il ne fallait pas annuler les derniers jours du carnaval à Nice, que le port du masque était nocif pour l’oxygénation du cerveau, que la dictature du Covid s’instaurait dans notre pays…, font entendre aujourd’hui les fausses notes de l’air de la dangerosité des vaccins. Ils détiennent des certitudes qui ne laissent pas le moindre espace aux doutes. Leurs sources sont fiables, elles proviennent d’un ami, qui a entendu un proche d’une personne haut placée, qui connaît une relation qui travaille dans l’entourage d’un centre de recherche classé secret défense… Ou encore plus incontestable et sans appel, c’est sur internet !
Imaginons un monde sans vaccin, un monde où les travaux de Louis Pasteur auraient été sacrifiés sur l’autel des fake news par les gourous des réseaux sociaux. Dans ce monde, les services hospitaliers accueilleraient sans discontinuer des patients victimes de la rage, de la variole, de la polio, du tétanos… comme ils viennent de prendre en charge les malades du Covid-19 ces derniers mois.
Faut-il rappeler ici que, selon l’OMS, la vaccination représente une des interventions sanitaires les plus efficaces et les plus économiques ? Elle a permis d’éradiquer la variole (depuis 1977), de réduire de 99 % l’incidence mondiale de la polio, de faire baisser de façon spectaculaire la morbidité et les incapacités dues à la diphtérie, au tétanos, à la coqueluche, à la tuberculose… Pour une seule année, les autorités sanitaires estiment que la vaccination évite plus de 2 millions de décès.
Dinosaures ?
Entretenir une peur envers les vaccins, et non contre les modes de contamination du Covid-19, ne contribue pas à stopper une épidémie. Les virus se développent aussi sur le terreau des craintes irrationnelles et des mensonges qui conduisent à des comportements individuels délétères pour l’ensemble de la collectivité. Les épidémies ne sont pas des dinosaures de l’histoire de la médecine, dont une extinction naturelle préserverait définitivement nos générations, mais un perpétuel recommencement. Les mesures de confinement et de protection, que certains qualifient d’entraves aux libertés, apportent un répit aux soignants des établissements de santé trop longtemps sacrifiés aux dogmes budgétaires. Mais l’accalmie risque de se briser sur la reprise de comportements aussi inconscients qu’irresponsables.
La France doit se préparer à l'arrivée des vaccins. Les premières doses devraient arriver en Europe dès ce mois. Le nouveau chantier qui s’ouvre devant nous s’apparente aux travaux d’Hercule. Il faut relever un défi de production à l’échelle d’une nation, un défi de logistique en termes de transport, de stockage, de conservation, de distribution mais aussi, et ce n’est pas le moindre, un défi de rétablissement de la confiance en la parole publique basée sur la dualité de la parole politique et scientifique.
Ne renouvelons pas les « couacs » des regrettables épisodes des masques ou des tests qui restent très présents dans la mémoire collective. Le temps n’est plus aux incantations mais à la mise en application d’une gestion au plus près du terrain. Les collectivités locales, en particulier les grandes municipalités ou métropoles, sont fortes des actions de ces derniers mois. Elles doivent être la cheville ouvrière, en partenariat avec les représentants locaux des ARS, de la mise en place d’une campagne de vaccination de grande ampleur qui pourra mettre un terme à la crise sanitaire et permettra de faire face efficacement à la crise sociale et économique.
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