Je commencerai par dire que tout ce que j’écris ici n’est la marque d’aucune sorte d'acrimonie envers quiconque, mais le témoignage d'un mouvement d’humeur devant une réalité désolante. Tirer sur l’ambulance, ce n’est pas très bien. Mais il y a des ambulances qui roulent si mal que c’est presque de la non-assistance à personne en danger que de les laisser circuler avec du monde à bord.
C’est dire qu’il y a, au sujet de ce que nous vivons au quotidien depuis plusieurs mois maintenant, forcément des commentaires à faire. Alors, commençons à les faire. Nous allons d’abord nous intéresser à l’OMS que l’on semble un peu avoir oubliée. L’OMS, normalement le chef d’orchestre. Mais jusqu’à preuve du contraire, chaque musicien a joué dans son coin…
L’organisation mondiale de la santé, the Who des Anglo-saxons, fondée en avril 1948, siège à Genève, emploie aujourd’hui 7 000 personnes dans le monde. Ses tentacules vont donc partout sur la planète. Elle est constituée de spécialistes de santé publique, de scientifiques, de médecins, d’épidémiologistes, de statisticiens, de gestionnaires. Donc une structure administrative normalement bien huilée.
Son rôle, entre autres bien sûr, et dans la mesure du possible : prévenir les épidémies et lorsqu’elles sont là, les gérer au mieux pour qu’elles ne se transforment pas en pandémie. Et lorsque la pandémie est installée, s’ingénier pour la faire disparaître.
Dans la crise Covid, que peut-on reprocher à l’OMS ? Pour commencer une grosse lenteur à l’allumage. Sans commentaire. Ensuite :
1- Ne pas avoir joué son rôle de chef d’orchestre. Il est inadmissible que la pandémie n’ait pas été gérée comme une pandémie. Une pandémie, comme son nom l’indique, relève d’une action concertée entre toutes les nationalités concernées. C’est une évidence. Si cette condition n’est pas respectée, l’OMS ne peut espérer faire mieux que les Français qui s’empêtrent dans leurs directives décousues depuis plusieurs semaines où le pouvoir est donné tantôt aux préfets, tantôt aux maires. On confine au nord, on déconfine au sud, on institue un couvre-feu à 22 heures puis à 21 heures, bientôt à 18 heures… Or, nous avons l’impression que depuis le début, la pandémie est gérée dans le monde aussi mal qu’elle l’est actuellement en France. Bien sûr l’unité du monde est un vœu pieux et l’entente cordiale entre les pays une utopie. Mais face à un ennemi commun, qui plus est microscopique, avec un peu de diplomatie, en s’élevant au-dessus des belliqueuses rancœurs des uns et des autres, en prétextant que c’est une affaire de santé, ça aurait dû pouvoir se faire. La politique n’a pas à se mêler de tout.
Ni chef, ni plan d'action, ni volonté
2- Un message clair et épuré. Il fallait un message clair et épuré pour une efficience maximale. Il aurait dû tenir en quelques lignes, condition sine qua non pour être compris et accepté partout comme une évidence, des dictatures aux démocraties. Le challenge était d’édicter une conduite rationnelle et efficace permettant à tous les États d’agir d’une manière uniforme et, point important, de commencer cette action au même moment.
3- Une feuille de route. Il aurait fallu aussi un plan d’application, avec un timing bien précis comprenant une date de début et une date de fin. Ce timing aurait été le meilleur message d’espoir pour les conseils scientifiques et les dirigeants de tous les pays qui n’auraient plus eu qu’à le transmettre à leur population.
4- Dans tous les combats il faut un chef. À la tête de la WHO, il fallait un chef, un vrai, combattant, un visionnaire qui aurait immédiatement eu la perception de ce qu’il fallait faire, animé d’une détermination à toute épreuve, surtout à la hauteur de l’enjeu ; en deux mots, un gars capable de se montrer efficace, offensif, convainquant, et puisque la situation le nécessitait, disposé à prendre son bâton de pèlerin et de se bouger pour porter la bonne parole et essayer de convaincre les plus récalcitrants comme les plus inconscients.
5- Il fallait à ses ordres une armée de sbires convaincus de ce qu’ils avaient à faire et eux aussi prêts à se bouger avec une conviction qui rassure et fait déplacer les foules.
Or, jusqu’ici, nous n’avons eu ni le chef, ni les sbires, ni le plan d’action, ni la volonté, ni le message simple chargé d’espoir. Alors, pas étonnant que nous soyons là où nous sommes. Donc, que sera demain ? Il nous reste à espérer enfin une concertation internationale au terme de laquelle, à un instant T, nous serons tous en même temps sur les starting-blocks pour une course qui va durer un mois. Un beau challenge !
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
Appendicite et antibiotiques
La « foire à la saucisse » vraiment ?
Revoir la durée des études de médecine
Réformer l’Internat et les hôpitaux