C'est avec grand plaisir que je lis la rubrique du courrier des lecteurs. Je profite, moi aussi de cette crise pour vous faire part de quelques réflexions. J'exerce en libéral, dans un petit cabinet d'imagerie dans une bourgade du centre de la France. Venant de passer 65 ans j'envisage, l'an prochain, de faire valoir mes droits à la retraite. Cela m'amène à revenir sur la démographie médicale.
Lorsque j'ai pris ma première inscription en 1974 à Paris VI, il y avait 220 places au concours, et les reçus collés de l'année d'avant ne facilitaient pas les choses… Arrivant de mon lycée de province je terminais 250e sur environ 1 500. Je redoublais : en juin 1976, je me classais 64e mais je fus reçu de justesse car la mise en place du numerus clausus avait réduit à 80 places les admissions en deuxième année.
On a divisé par trois le nombre d'étudiants en formation ! Cela était peut-être nécessaire à l'époque mais depuis, qu'observons-nous ? On a depuis peu augmenté le nombre d'étudiants en formation. On observe une féminisation de la profession ; nos consœurs sont aussi compétentes (voire plus) que les hommes mais souvent la vie familiale limite leur activité. S'y ajoute, le vieillissement de la population : autrefois les seniors se faisaient peu soigner ; maintenant, ils sont plus nombreux (j'ai la vanité de croire que c'est parce que nous sommes plus efficaces) et ils se soignent davantage, augmentant ainsi les besoins en lits, salles d'opération etc.
Enfin, la pyramide des âges. De Gaule aurait dit que pour repeupler la France d'après guerre, il fallait faire des gosses sur une grande échelle. Nous avons eu le « baby boom ». Ces médecins partent maintenant en retraite… Tout cela entraîne des conséquences dramatiques : diminution du temps de consultation et difficultés d'accès pour les patients aux médecins et spécialistes (délais délirants supérieurs à 3 mois… ou un an… ); fermetures de cabinets obligeant les patients à des déplacements (supérieurs à 25 km pour l'imagerie de base !)
A ce propos, je cherche un à trois confrères pour reprendre et développer mon cabinet courant 2021 (Je rêve ! Mais ? Le journal transmettra…). Le public n'est pas mieux loti que le privé : on le voit au nombre de médecins « étrangers » (souvent compétents) et au manque de personnel. Médecins découragés par la charge et les conditions de travail, le manque de reconnaissance, les salaires, le poids des administratifs… Tout cela a augmenté avec la crise du Covid.
Manque de médecins et de soignants
L'une des principales causes du problème me semble donc le manque de médecins et de soignants. Or que voit-on ? On n'augmente pas de façon significative le nombre d'étudiants en formation (par deux ou trois pendant quelques années ?) On n'améliore ni la rémunération des libéraux ou hospitaliers, ni celle des autres soignants, ce qui n'incite plus les jeunes à venir vers ces métiers. On ment à la population en cultivant l'image de médecins nantis, en ne reconnaissant ni le savoir, ni le travail, ni les risques des soignants ; et on entretient l'idée que les patients ont droit à tout, et gratis.
Je ne suis pas de ceux qui cherchent des coupables, cela ne sert à rien. Mais que faire ? (...) Il faut former plus de médecins et de soignants ; cela veut dire multiplier par deux ou trois les budgets des facultés et des écoles. Et il faudrait permettre au secteur public comme au privé de travailler dans de meilleures conditions, c'est-à-dire, plus de personnel soignant, plus de médecins, plus de matériel : bref plus de budget… Tout cela pour permettre une meilleure prise en charge de la population.
Bien sûr, je rêve… Mais n'est-il pas choquant d'entendre des gens hurler devant les conditions de prise en charge aux urgences ou quand ils doivent faire l'avance de quelques frais, alors qu'ils roulent dans une voiture à 70 000 euros et que le fils de 13 ans a le dernier portable à 1 000 euros ? Alors, je vous en prie, arrêtons de rabâcher que c'est un problème d'organisation (même si parfois…) et arrêtez de vous (les politiques) gargariser à saturation médiatique de grands mots creux. « Maisons de santé » (sans médecins), « Grenelle de… », « nouvelle gouvernance » « pôle d'excellence », création d'une « agence de » Bla bla bla… Je ne cherche pas de coupable mais… veut-on vraiment sortir de la crise du système de santé ? Des sources d'économies ? : d'abord responsabiliser et éduquer les patients.
Des confrères, pseudo-experts...
Sur la crise du Covid, nous avons tous ou presque été lamentables, non pas sur la façon de gérer la crise elle-même (la plupart des soignants ont été exemplaires). Et la crise était peu prévisible : il n'y avait plus assez de masques, de personnels, de respirateurs etc.
En revanche, nous avons été lamentables sur le plan de la communication ! Pourquoi ? Parce que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Parce que les médecins ont perdu un peu – beaucoup pour certains — leur réserve : nous avons vu se répandre dans les médias beaucoup trop de pseudo-experts auto proclamés, répandre des idées comme des vérités alors qu'il ne s'agissait que d'hypothèses. (...)
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Exergue : On ment à la population en cultivant l'image de médecins nantis, en ne reconnaissant ni le savoir, ni le travail, ni les risques des soignants
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