Il est urgent que l'État nous (au système de soins, aux médecins et à tous les autres métiers du soin) donne les moyens de l'application de la loi sur la fin de vie sur tout le territoire. Services de soins palliatifs, équipes volantes d'accompagnement à l'agonie sans douleurs (physiques) à domicile, prise en charge des soins de nursing… Cela passe donc par avoir des professionnels de santé en nombre suffisant, rémunérés à la hauteur de leur travail, etc..(on est loin du compte). Il faut aussi redonner de la visibilité au rôle fondamental de l'entourage dans l'accompagnement à l'agonie.
L'accompagnement à la mort n'est pas qu'une histoire de drogues analgésiques, mais d'échanges et d'amour. La rédaction de directives anticipées doit aider à la réflexion personnelle sur sa mort, mais ce n'est qu'un support provisoire, car nous savons bien qu'une fois en situation, nous ne voyons pas forcément les choses de la même façon ! Mourir pas encore, mais ne pas souffrir, ça, oui…
Protéger le faible
C'est sans doute à ce niveau qu'il faut savoir ce que notre société veut donner comme réponse aux demandes d'euthanasie de l'entourage, dont les raisons sont a priori et majoritairement compassionnelles ; mais tout le monde sait le risque de dérive, et le législateur se doit de protéger le faible, toujours en permettant la mise en place de décisions collégiales pluridisciplinaires, par des équipes constituées et opérationnelles au quotidien. Ce qui veut encore dire des moyens.
La troisième situation, c'est l'accompagnement des personnes qui n'ont plus d'autonomie physique, victimes d'accidents ou de pathologies incurables, et qui souhaitent mourir, qui ont besoin d'une tierce personne pour cela : c'est la demande de suicide assisté. Il y a besoin en effet d'une loi, qui autorise cet accompagnement, qui doit être collégial (pour éviter les dérives pour soulager la charge psychique des soignants, et pour sa prise en charge financière), encore et toujours. Avec quels moyens, en ces temps de pénurie en soignants ?
Enfin, il est important de regarder ce qui se passe chez nos voisins : est-ce cela que nous voulons ? Au Canada, en Belgique, les euthanasies « hors circuit » semblent déborder le système officiel et contrôlé. En Suisse les soignants ne prennent pas part, ce sont des associations qui organisent les suicides : quid de la participation financière, de l'impact sur les proches, et du contrôle de la pratique ?
Alors, avant de faire encore une loi, permettons aux soignants d'appliquer celle en cours - les moyens - avec une ouverture très encadrée pour le suicide assisté. Mourir sera toujours difficile, et en effet les médecins ont à voir pour alléger les souffrances de l'agonie. Mais n'oublions pas que notre mission est aussi « en premier ne pas nuire », ne pas précipiter nos patients vers la mort ; et je crains qu'une loi à l'emporte-pièce nous précipite collectivement vers un danger pour une fraction non négligeable des mourants en puissance que nous sommes tous.
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Exergue : Il est important de regarder ce qui se passe chez nos voisins : est-ce cela que nous voulons ?
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