Surprise que cette remise en selle de l’examen clinique dans la (bonne) pratique de l’exercice médical (Le Quotidien du Médecin du 20/11 : « 2020, l'examen clinique en perte de vitesse ? ») ! Quel courage de remonter… dans le temps ancien et d’oser parler d’un rituel que beaucoup trouvent aujourd’hui totalement archaïque… à l’ère de l’intelligence artificielle (IA), de la télémédecine et du télétravail. On nous a enseigné les séquences habituelles d’une « bonne consultation médicale » avec : 1) un interrogatoire avec « écouter » et « parler » 2) un examen clinique « complet » (avec accès à toutes les parties du corps) et 3) si nécessaire prescription d’examens complémentaires et/ou d’un traitement. C’était au temps où la consultation était un colloque ouvert : patient – médecin !
Aujourd’hui le « client » dicte au médecin sa vérité : 1/ « J’ai mal "là" » 2/Je pense que j’ai "ça" » et 3/Je viens pour que vous me prescriviez "ceci" ; j’ai déjà consulté mon ordinateur (et mon (ma) voisin(e) qui m’a donné le diagnostic mais… maintenant j’ai besoin de votre ordonnance pour obtenir les médicaments et leur remboursement. »
Voilà où nous en sommes et chacun l’a bien assimilé et s’est remis au travail. Bien sûr, les études de médecine durent toujours 8 – 9 ans, mais le professeur n’enseigne plus ni en cours magistral, ni au lit du malade, (parfois, il ne fait même plus le « tour » des hospitalisés et délègue cette tâche à l’assistant ou au Chef de Clinique). L’étudiant ne va plus en cours et bénéficie de l’enseignement sur écran, et n’a plus que des examens « anonymes » du type QCM sans guère de références à la vraie « clinique ». Une fois installé le médecin : écoute, se contente d’un examen a minima qui se fait souvent sans déshabiller le patient (il paraît qu’il ne désire pas qu’on dévoile son « intimité ») et garde encore simplement le rituel de l’auscultation, de la prise de la tension artérielle et d’une prescription.
Aujourd’hui, avec l’ordinateur et ses programmes d’intelligence artificielle, on doit savoir tout résoudre en quelques « clics » et si vous ne pouvez pas vous déplacer, c’est encore plus simple, on le fait à distance « en télémédecine » : plus fort que le Docteur Knock ! Le médecin n’a plus de rôle défini : il obéit aux ordres des tutelles et du « client ». Il assure une présence et il perpétue un rite mais pour combien de temps encore ? On pense d’ailleurs à le remplacer par du « personnel intermédiaire » (l’ancien officier de santé) ou peut-être mieux encore à le faire disparaître car inutile et dispendieux. Regardez déjà ce qui se passe dans les cabinets médicaux (et dans les hôpitaux) : la technique, rien que de la technique, mais surtout plus un être « humain » qui écoute, pense, conseille et soigne (avec de plus en plus de moyens si le malade l’accepte) et participe ainsi au bien-être du corps et de l’esprit.
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