L’ARS Bourgogne Franche-Comté s’est attaquée aux maires de cette région qui avaient pondu des arrêtés municipaux autorisant le maintien de l’ouverture de commerces non essentiels, tels les librairies. À croire que l’ARS a du temps libre pour se préoccuper des angles morts du confinement alors qu’elle ne dénonce pas ce qui devrait être dénoncé. Ayant du temps libre comme confiné du dimanche (...) j’ai donc écrit à l’ARS Bourgogne Franche-Comté.
« Monsieur le Directeur, Je découvre votre prise de position concernant les maires de la région qui prennent des décisions à vos dires à l'encontre de la réussite du confinement, décisions qui pourtant ne touchent que quelques commerces locaux qui n'ont quasiment pas de clients, et vous invoquez la nécessité de la réussite de ce confinement alors que les pouvoirs publics font tout pour aboutir à un échec.
Je suis consterné de la manière dont est gérée la crise sanitaire en France. On a mis en place un couvre-feu, mesure liberticide extrême que l’on a vue au XXe siècle uniquement sous l’Occupation en 1942-1943 (et encore à Paris seulement à partir de minuit) et pendant la guerre d’Algérie, comme si le virus visé dormait le jour et ne sortait que la nuit, et on en a vu l’échec attendu.
Dérogations à gogo
Maintenant, on fait un confinement passoire, puisque vu tous les cas de dérogations, la moitié de la France peut circuler librement (moi le premier avec une carte professionnelle, une attestation de mon employeur sur la France entière et les laissez-passer auto-remplis) et l’autre moitié peut tout contourner sur du déclaratif (il suffit de cocher la bonne case), voire une attestation sur l’honneur.
On a, encore très récemment, autorisé des manifestations de dizaines de milliers de personnes, permis aux vacanciers d'aller en vacances en Normandie ou en Bretagne contaminer joyeusement les populations locales. On autorise le jour de la Toussaint à faire un tour de France en voiture pour fleurir dans un certain nombre de cas des tombes fantômes et les cérémonies religieuses (dans le Journal de Saône et Loire de ce jour, je vois photo d'une messe à Tournus avec deux officiants non masqués !), et on laisse les écoles fonctionner (comme si le virus n'était plus transmis par les enfants aux grands-parents).
On laisse les travailleurs travailler. Les éligibles au télétravail sont moins nombreux que le ministère du travail ne l’affirme (sauf dans les ministères) ; essayez donc par exemple de réparer une voiture dans votre salon... On les laisse travailler dans des open spaces, manger dans les restaurants d'entreprise, se côtoyer dans des vestiaires étroits, et prendre des transports en commun bondés à mort (c'est le cas de le dire).
On autorise les cyclistes et les joggeurs à ne pas porter de masque, alors qu’ils expectorent en frôlant les piétons. On autorise les fumeurs à retirer leur masque pour fumer, de manger sans masque sur la voie publique. On laisse de nombreux badauds se promener sans masque ou avec un masque mal porté sans que cela n’émeuve personne, et moins encore les forces de l’ordre… C'est totalement incompréhensible.
Des mesures fortes, tout de suite
Ce qu'il faut faire, c'est fermer les écoles, les universités, les bars, les restaurants, les salles de sport, les salles de spectacle, les lieux de culte, interdire les regroupements religieux ou autres, interdire les manifestations, les compétitions sportives, réduire les afflux de clients dans les supermarchés et surtout interdire de fumer et manger dans la rue, imposer aux sportifs et aux cyclistes le port du masque, car masqués le risque devient très faible, et laisser les citoyens marcher pour se détendre sans limitations kilométriques dans les bois ou dans les rues désertes… Si on était tous masqués, en respectant une distanciation de 2 mètres (seule valeur scientifiquement prouvée), en 15 jours l'épidémie serait enrayée ou du moins très atténuée.
Reste que, en l’absence de mesures fortes – et le ministère de la Santé en a une grande part de responsabilité — en ne tirant pas le signal d’alarme, l’épidémie n’est pas prête de cesser. Tout cela va être générateur de lourds retards de soins et de troubles psychiatriques et de suicides ce qui conduira à une mortalité différée plus importante que celle liée au Covid…
Le vrai problème est de mettre fin à des mesures totalement contre-productives. Non, la priorité ce n'est pas la fermeture des petites librairies et des petits commerces de vêtements. La priorité c'est de faire un confinement intelligent. La France est actuellement au cinquième rang des pays touchés, on ne peut pas dire que c'est une réussite."
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Exergue : Si on était tous masqués, en respectant une distanciation de 2 mètres, en 15 jours l'épidémie serait enrayée
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