Réaction d'un lecteur au texte du Dr Patrick Leboulanger paru dans Le Quotidien du 10 novembre (« S'installer au fin fond du Tarn ou de la Meuse ? Non merci »).
Né à Paris, on m'avait durant mes études solidement inculqué l'idée qu'en dehors de Paris, point de médecine digne de ce nom. Mon échec à l'internat de Paris fut donc pénible, Et, comme j'avais été reçu dans un « petit CHU de province », j'ai, par la force des choses, quitté la capitale.
J'eus la surprise de découvrir que dans ce CHU « le plus crotté de France » (ce que Richelieu disait de son évêché de Luçon), Non seulement on faisait une excellente médecine, que certains services avaient une réputation internationale, mais aussi que la prise en charge des patients était souvent bien meilleure qu'à l'AP-HP : les soignants étaient plus calmes, moins soucieux de leurs prérogatives catégorielles et plus attentifs à leurs patients.
Un jour, je fis en présentant un dossier à un de mes patrons une légère grimace en évoquant le fait qu'il avait été pris en charge dans un petit hôpital périphérique. Il me dit : « Ne vous faites pas des opinions toutes faites sur les confrères qui exercent dans des endroits que vous estimez peu prestigieux. Ici, d'accord, c'est un CHU. Mais le regard que vous avez sur les collègues de cette petite ville, ceux de Lyon ou de Marseille l'ont sur nous. Ceux de Paris l'ont sur ceux de Lyon ou de Marseille. Et à la Mayo Clinic… »
Exercer sans équipement ultrasophistiqué, c'est possible !
J'ai par la suite exercé des endroits bien reculés. La vache la plus proche était à 5 km… Nous faisions la médecine avec ce que nous avions : examen clinique, examens biologiques de base, RxP, ECG, et rien d'autre. Et ceux qui m'ont appris à travailler de cette façon m'ont enseigné une excellente médecine.
Car le problème aujourd'hui n'est pas qu'il faut obligatoirement un équipement ultra-sophistiqué pour tout, c'est que beaucoup de médecins ne savent plus travailler sans cet équipement. La plupart des problèmes du quotidien se gèrent parfaitement avec un examen clinique soigneux et, si besoin, quelques examens complémentaires basiques.
Je n'ai jamais pu me faire à l'attitude des confrères qui prescrivent une TDM à la moindre lombalgie ou à la moindre céphalée, sur l'argument qu'ils ne veulent pas prendre de risque, En fait, surtout parce que c'est une manière simple et rapide de régler un problème. Circulez, y a rien à voir !
Pour les cas compliqués, on passe la main (ce que malheureusement encore, beaucoup de confrères ont du mal à faire). Du bled le plus reculé de France, il y a toujours moyen d'envoyer un patient à la grande ville voisine s'il en est besoin ou s'il y a une urgence.
De la place pour tout le monde dans les petites villes
Et puis je vais vous dire : je suis né à Paris, j'y ai vécu toute ma jeunesse. Deux ou trois ans après en être parti, j'ai su que jamais, au grand jamais, je ne retournerais y habiter, pas plus que dans aucune grande ville.
Mes enfants et moi avons vécu proches de la nature, dans des endroits protégés, sans foule qui se presse, sans pollution, sans délinquance. Dans de grandes maisons avec de grands jardins, et non dans de petits appartements étriqués où l'on s'étiole, et pour bien moins cher. Pour les enfants, il y avait à proximité toutes les activités que l'on pouvait souhaiter si on ne cherche pas le haut niveau : profs de musique, d'art, associations diverses, cinéma. Et bien sûr pour le foot ou le rugby, c'est bien plus facile que si on habite au centre de Paris. Certes, pour l'Opéra, c'est généralement un peu loin, mais bien qu'adorant l'art lyrique, je fais plus souvent du jogging ou du vélo que je ne vais à l'Opéra.
Et dans les petites villes, et même les gros bourgs, il y a aussi de la place pour des enseignants, des juristes, des architectes, des artistes… Bref, des débouchés pour les conjoints. Ou encore ces métiers peuvent s'exercer dans des villes proches, souvent à bien moins de temps de trajet qu'il n'y en a entre la banlieue et le centre des grandes villes. Alors oui pour le Tarn ou la Meuse ! Vous pouvez garder votre pollution et vos embouteillages.
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