Le vieillissement de la population, les changements climatiques, l’amplification des maladies chroniques et les révolutions technologiques sans précédent resteront toujours autant de défis auxquels s'ajoute la menace des épidémies car le Covid, qui est loin d'être fini, reviendra peut-être de l'hémisphère Sud.
À la vue de cette situation, notre système de plus en plus technocratique sera-t-il viable en voulant tout rembourser et tout contrôler avec ses multiples agences ? La pandémie qui sévit actuellement fera par force rebattre les cartes car les budgets seront intenables si on ne réforme pas de fond en comble la chaîne administrative.
La verticalité du système a montré ses insuffisances car on ne sait plus qui décide ! Les déficits de la Sécu plus de 40 Mds€ et la dette hospitalière plus de 50Mds€ vont imposer de réformer de fond en comble ces structures. Messieurs les énarques, un peu de modestie ! Restez dans votre domaine car vous détruisez le meilleur système de santé au monde avec votre sur administration.
La première source d’échec est liée à la gouvernance. L'État, depuis plus de 25 ans, a multiplié les contraintes sur les médecins avec des agences de contrôles toujours plus nombreuses. L’hôpital n’a pas été non plus préparé à cette crise sanitaire. Les référentiels, la T2A, les tableaux Excel et les réunions sans fin ont fait oublier l’objectif premier : « le soin ».
La deuxième source est technologique. L'intelligence artificielle et la e-santé risqueront de faire exploser le système avec des consultations tarifées à 12 ou 15 €. Elles se sont multipliées avec la fermeture des cabinets pendant la pandémie.
Changer de modèle est indispensable
La refonte en profondeur de l'action publique en santé s'avère être un dossier embarrassant pour le gouvernement car les conseillers, les mêmes quel que soit le gouvernement, restent hostiles à libérer les médecins. Il y a pire, réquisitionner les réanimations des cliniques a entraîné un retard de prise en charge de nombreuses pathologies. Ces malades seront soignés avec trop de retard ce qui compromet gravement les résultats, alourdissant à terme le nombre de décès. Les cancers digestifs ne pouvaient plus être opérés. Nombre de malades confinés ont vu leurs pathologies se décompenser aggravant la mortalité.
De nombreux acteurs se sont manifestés pour refonder notre système de santé. L’Appel des 60 de « l’Institut santé » imaginé par Fréderic Bizard pour « sortir notre système de la crise » était paru dans une tribune le 6 janvier 2019 dans Le Parisien. Un think tank « Stratégie Innovations Santé » lors d’un forum organisé début février 2019 à Bordeaux par Sud Ouest a imaginé cet avenir. Pour sauver le système « Cap 2022 » proposait 30 milliards d'euros d'économies… de quoi faire peur…
Comment réformer lorsque le directeur de cabinet d'un ministre est le même que sous le précédent ? Pour la santé, il a servi trois ministres avant d’être nommé directeur de l’hôpital de Bordeaux ! Celui de l’AP-HP est resté en place malgré l’impréparation face à la pandémie.
Les gouvernements de la France, au lieu d'assumer leurs erreurs et de les corriger continuent d’empiler des couches successives de normes. Ainsi la réquisition des masques a empêché nombre d’entreprises de pouvoir les commander ou de les recevoir.
Il faut « changer de modèle ». La grille des salaires dans la fonction publique est une aberration. Assimiler une infirmière, une aide soignante avec un gardien de musée ou un contrôleur des impôts est une insulte au bon sens quand on sait le nombre de soignants contaminés avec des salaires en dessous de la moyenne européenne.
Avec tous ces défis et ces déficits, comment financer la dépendance et se préparer à faire face à une nouvelle vague en automne ? Le Ségur de la santé s'attaque à une tâche redoutable d'autant que ce sont les mêmes acteurs qui étaient déjà aux manettes.
Sans changer de cap ce sera donc une mission impossible.
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