Un article du «Quotidien du médecin» du 3/6/2022 («Soignants en souffrance : la fin d'un tablou») développe la problématique de la souffrance psychique du médecin. Les témoignages de médecins hospitalisés au sein d’une unité en charge des médecins en burn-out sont instructifs. L'un d'eux souligne que la société n’a pas intégré le fait que les médecins sont aussi des êtres humains, et peuvent, tout comme les patients, souffrir de dépression.
Ils sont pourtant nombreux à éprouver une grande honte pour s’épancher, car ils pensent qu’ils n’auront pas d'écoute attentive, et que leurs interlocuteurs minimiseront leur situation (cela est vrai dans de nombreux cas, d’ailleurs). Souvent ces collègues restent muets, et il est difficile de les identifier. Pourtant, l'évolution des mentalités permet désormais la prise en compte de leur mal être. De ce fait, certains n’hésitent plus et se confient.
Ils partagent les raisons qui les ont freinés ou qui les freinent dans leurs tentatives, souvent infructueuses auparavant, de se confier : honte de parler de sa propre dépression car on a l’impression d’avoir perdu de son aura. La prise en charge par une unité psychiatrique semblant inconcevable, car assimilée à une faiblesse coupable, voire considérée comme de la folie.
La réalité nous démontre que le médecin est un professionnel très vulnérable, et son passage à l’acte fréquent (surmortalité par suicide bien plus importante que les salariés de France télécom).
Cet article met aussi en lumière la solitude du médecin face à sa détresse morale. Souvent isolé, il communique peu avec les autres confrères, ce qui majore d’autant le burn-out. Autrefois, les réunions parfois peu scientifiques sponsorisées par les laboratoires étaient un moyen de les réunir et d'échanger entre eux. Actuellement elles sont rares, et les collègues qui y assistent sont peu nombreux et souvent les mêmes.
Comme l’a souligné un confrère gastro-entérologue, le remède souvent trouvé est celui de l’addiction alcoolique qui permet d’oublier les heures interminables de travail, et le peu de ressources pour éviter de limiter ce fardeau harassant de consultations incessantes. Et bien entendu, la crise du Covid-19 a eu un impact sur la santé mentale des soignants qui se sont retrouvés sur le devant d’une scène où l’improvisation était parfois difficile à assumer.
Une situation qui va avoir tendance à s’amplifier
Malheureusement, les conditions de travail des médecins (libéraux ou non) ne vont pas s’améliorer. Tout d’abord du fait de l’évolution des mentalités de patients qui n’ont plus de respect vis-à-vis de professionnels qui viennent à leur secours. La relation médecin-malade s’est considérablement détériorée car le soignant doit faire face à un afflux de patients, et de ce fait ses capacités d’écoute sont plus réduites qu’il y a quelques années. Le citoyen français a « droit à la santé », et il sait s'en prévaloir chez son médecin traitant... s’il arrive à en trouver un. Le refus d’acceptation de patients est souvent à l’origine de propos désobligeants et très déstabilisants pour des soignants.
Dans ce contexte, le médecin souhaite faire le maximum pour donner des soins de qualité. Cependant, il se rend très vite compte que c'est presque impossible, du fait d’une file d’attente importante. Un facteur responsable de culpabilisation dans certains cas, et bien entendu de dépression.
Mais comment affronter cette détresse morale alors que les collègues qui peuvent le soutenir sont peu nombreux du fait d’une pénurie de soignants. Et encore, quand ce n'est pas l’interlocuteur choisi qui se trouve lui même dans ce cas de figure... Au lieu de résoudre leur détresse morale, ils vont tous les deux majorer leur burn out.
Enfin, parlons de la responsabilité des pouvoirs publics concernant la médecine libérale (propos d’un confrère dans l’article). Depuis des années, ils refusent de reconnaitre son rôle, et souvent le minimise et préfèrent fustiger les libéraux accusés de détournement de fonds, et de laxisme lors d’une éventuelle participation aux missions d’ordre public (PDS notamment). C'est oublier les sacrifices de ces soignants qui travaillent comme des stakhanovistes souvent au détriment de leur vie privée.
De ce point de vue, l'article du Quotidien permet de comprendre que la dépression du médecin est un mal qui existe, et qu’il peut être pris en charge. Et que des professionnels aguerris interviennent pour aider. Outre les associations spécialisées pour écouter les soignants (elles ne sont pas si connues), les ordres départementaux ont ouvert des cellules d’aide et d’écoute. Le professionnel de santé doit savoir qu’il peut partager son burn-out, afin d’éviter l’irréparable.
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