Le directeur de l’AP-HP quitte son poste. Comme de nombreux médecins et journalistes l’ont souligné, il est difficile de gérer un tel navire avec autant de personnel et de voix dissonantes. Cependant, cet énarque s’est distingué par ses prises de position et sa gestion parfois jugée critiquable. Nombreux professionnels mettent en avant son goût pour avoir une gouvernance très personnelle et sans accepter la contestation.
En janvier 2022, période noire dans la gestion des patients Covid-19, M. Hirsch s’est permis de dire qu’il serait important de faire payer les patients non vaccinés ayant le Covid-19 et fréquentant, du fait de complications, les hôpitaux parisiens.
Cette prise de position faisait suite au coût engendré par les soins de réanimations de ces personnes, mais aussi du fait d’une carence en personnel de santé à cette période. Elle m’avait, à l’époque, scandalisé et posé des questions sur ses intentions réelles concernant la gestion des hôpitaux parisiens. En fait, cet administratif s’est permis de gérer les patients comme un comptable, cela sans essayer de comprendre les motivations qui ont conduit certains à ne pas se faire vacciner.
Soigner tout le monde
En tant que professionnel de santé, il me semble fondamental de prendre en charge la totalité des patients. Que certaines personnes puissent avoir des idées pas forcément conformes aux idéaux de la société — mais avec un argumentaire que nous pouvons plus ou moins comprendre — est une situation régulièrement vécue par tous les soignants. Nous devons les prendre en charge comme les autres, et mettre de côté nos préjugés car nous devons avant tout être fiers de notre fonction : « Admis à l’intérieur des maisons mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime » (Serment d’Hippocrate).
Ne pas accepter qu'on fasse payer un patient non vacciné qui est atteint de Covid-19, prendre en charge gratuitement un patient VIH positif qui ne prend aucune mesure pour se protéger et risque de contaminer d’autres personnes… Dans les deux cas notre rôle consiste à informer les patients des risques (ils peuvent être importants) qu’ils prennent et font prendre aux autres, mais en aucune manière nous substituer aux juges. Nous n’avons pas le droit de sanctionner ces citoyens en dehors des clous car nous sommes avant tout des médecins dont la mission première est de soigner et informer les citoyens.
Deux éléments sont très perturbants dans l’attitude de M. Hirsch. D'abord, le fait qu'il se soit permis de donner son point de vue publiquement (tribune du Monde), sans filtre ni retenue. Il faut, avant de créer une telle polémique, essayer de comprendre de quelle manière peuvent réagir les Français, mais aussi les médecins et autres professionnels de santé travaillant au sein de l’AP-HP. Pourquoi, au décours des différentes réunions qu’il avait eues avec le président de la CME, n’a-t-il pas eu la possibilité de mieux tourner sa langue dans sa bouche ?
En ce qui me concerne je suis d’autant plus choqué par l’attitude de M. Hirsch que ce dernier était président d’Emmaüs France de 1995 à 2002. Travaillant au sein de structures gérées par cette association, je ne peux comprendre que cet énarque, ayant théoriquement la fibre sociale, puisse tenir de tels propos concernant les personnes non vaccinées contre la Covid-19. Cette fondation gère des personnes souvent peu compliantes aux soins et aux règles de la société. Comment une personne ayant accepté cette différence n’accepte-t-elle pas la contradiction d’une frange de la population refusant la vaccination ?
Je ne me fais pas de souci en ce qui concerne l’avenir de M. Hirsch. En effet, tout comme les directeurs des grandes entreprises publiques il trouvera, grâce à ces accointances, un poste qui lui permettra de « s’épanouir » et de développer ses qualités d’administratif de haut vol. Celui qui va prendre sa suite est une nouvelle fois un énarque qui est très apprécié par l’exécutif.
Il est triste de voir que les administratifs ont autant de poids sur la gestion des professionnels de santé et sur la prise en charge des problèmes de santé de nos concitoyens. Ne serait-il pas nécessaire d’inverser la vapeur, et exiger que ce rôle soit attribué à des professionnels de santé ?
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