Il y a quelques jours de cela, le ministre de la Santé s’est exprimé pour dire son mécontentement vis-à-vis des médecins libéraux. Ainsi a-t-il expliqué au 43e congrès de la Mutualité française « qu’il est inacceptable qu’on ne puisse pas avoir accès à un médecin généraliste le soir jusqu’à 24 heures, et le week-end ».
En fait, il souhaite que les Français puissent tous trouver un médecin traitant car il juge anormal qu’une frange de la population (loin d’être négligeable, il faut le dire) ne puisse pas recourir à l’expertise d’un médecin généraliste. En parallèle, il espère que des concertations pourront avoir lieu pour que les médecins généralistes ne se désinvestissent plus dans le cadre de la permanence des soins. Enfin, il ne parle pas de coercition en ce qui concerne les lieux d’installation des jeunes confrères, mais d’incitations fortes qui risquent de les contraindre à un exercice dans des zones dépourvues de praticiens.
Autrement dit, M. Braun, avant de taper du poing sur la table, souhaite que les généralistes soient responsables et soient présents dans le cadre des missions définies par son ministère.
La réalité est différente
Il est aisé d’avoir un discours politiquement correct, mais il est quelque peu étonnant que M. Braun ne soit pas au courant des pratiques des médecins libéraux de terrain. Tout d’abord, il faut savoir que, durant l’été, notre ministre a voulu une participation majorée des libéraux dans la prise en charge des patients ayant des pathologies simples pour éviter l’engorgement des urgences. Pour ce faire, le SAS (service d’accès aux soins) a été développé pour permettre aux patients ne pouvant pas recourir à un médecin généraliste d’en voir, malgré tout, un.
Ainsi, une cartographie des places disponibles au sein des départements a été établie afin que les centres d’appels (le 15) puissent renvoyer les patients nécessitant des soins vers un praticien qui va le recevoir. Appelé par l'ARS, notre cabinet situé en zone balnéaire, donc très fréquenté durant l’été, a donné un aval concernant des plages très larges de consultations non programmées (8 heures au total). Malgré cette disponibilité, nous avons reçu 0 patient dans le cadre du SAS ! Cette déception — alors que nous avons voulu nous mobiliser pour la bonne cause — a également été mise en avant par la présidente de MG France, selon qui les créneaux disponibles pour le SAS « n’avaient pas été pris par les centres 15, et loin de là ».
En parallèle, le 15 devait réguler les urgences des patients qui souhaitaient consulter à l’hôpital pour des motifs pouvant être réglés par un généraliste. Cet été dans mon département (66), aucun filtre ne réduisait ce recours hospitalier, et l’entrée des urgences du CH était grandement ouverte à tous, ce qui a beaucoup augmenté la file d’attente au sein de cette unité. Cette situation était-elle due au fait que le 15 était débordé et ne pouvait assurer une régulation digne de ce nom, ou au fait que le CH ne souhaitait pas restreindre l’accès aux services d’urgence pour des raisons budgétaires ?
Le ministre de la Santé souhaite que les médecins généralistes restent sur le pont jusqu’à 24 heures en semaine en assurant une permanence des soins digne de ce nom. Or, sur notre secteur — qui n’a jamais délaissé le système de garde (nous sommes de garde même en nuit profonde)- l’ARS Occitanie — pour des raisons d’harmonisation et budgétaires — propose aux généralistes d’effectuer des gardes de 20 heures à 22 heures uniquement, dès janvier 2023. Les sommes économisées permettront de rémunérer les SAS. Comme quoi, les propos démagogiques de M. Braun ne nous concerneront pas car nous allons arrêter notre permanence à 22 heures et non à 24 heures (…)
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