Question de souvenirs

Où sont les souvenirs dont on ne se souvient pas actuellement, et que je n’ai pourtant pas oubliés ? Où sont les souvenirs présents du passé, quand ce présent n’est pas présent à mon esprit ? Il faut qu’ils soient présents en moi (dans mon corps) même quand je ne suis pas présent à eux (en tant qu’esprit). « C’est par quoi la mémoire est plus vaste que l’esprit, qu’elle contient et qui ne la contient pas ; l’esprit c’est la mémoire, et la mémoire c’est le cerveau ; mais il y a plus dans la mémoire que dans l’esprit, et plus dans le cerveau que dans la mémoire. » (André Comte Sponville « Le temps et sa flèche » p264.)

Les neurosciences nous enseignent que la remémoration d’un souvenir le modifie à chaque évocation, comme une photographie jaunit à force d’être extirpée d’un portefeuille, à telle enseigne qu’il est recommandé, afin de conserver intact un souvenir, de ne surtout pas tenter de se le remémorer…

Posons que :

a) Le présent du passé est la mémoire. Le présent du présent est l’intuition. Le présent du futur est l’attente.

b) Le cerveau est l’ensemble des structures ayant pour unités les neurones (10 puissance 11)  et les synapses (10 puissance 15) susceptibles de produire des pensées et des réflexions c'est-à-dire des pensées de pensées.

c) L’esprit est l’ensemble du savoir que pour un temps j’ai des certitudes pour lesquelles je peux affirmer « je les ai là, accessibles à leur connaissance » … Opposées à « je ne sais pas ».

d) La mémoire est l’ensemble des données restituables à l’esprit… Mais cela peut prendre du temps(quand je cherche un souvenir, un titre de film, une citation qui ne me reviennent pas spontanément je fais alors un « effort de mémoire », je lance un moteur de recherche qui peut ramer, se révéler fructueux de façon aléatoire… Mais de quel temps s'agit-il… Car durant cet exercice, la mémoire devient alors, non plus le présent du passé mais le présent d'un futur et donc l’attente.

Il est communément admis que l’on ne peut se souvenir de nos rêves que si le délai qui les sépare de l’éveil est inférieur à dix minutes. Passé ce laps de temps, pourtant, il n’est pas rare que l’un d’entre eux nous revienne à l’état vigile, lorsqu’un événement marquant lui est lié, telle une réminiscence, (cet arc-en-ciel au-dessus de ce cheval me rappelle le cheval bleu de mon rêve)…Où sont stockés les rêves ? Le sont-ils tous ?

Durant les rêves, nous sommes capables d’une activité intellectuelle incroyablement plus complexe que celle que nous avons à l’état vigile, et de même bien au-delà de ce que l’on nomme « imagination » qui par rapport à eux fait figure de pâle copie. Durant les rêves, nous assurons sans balbutiement le scénario, la mise en scène, les décors, la prise de son, les costumes, les dialogues, l’éclairage… les travelling… Et l’image est toujours en steady-cam : nette ! Aucun esprit à l’état vigile n’est capable de créer le plus court de nos rêves…

Mais où sont stockées les bobines de nos rêves ?

Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr .