Il y a quelques jours de cela, j’ai pu lire un article dans un quotidien national concernant la téléconsultation et « ses changements de dimension ».
Tout d’abord j’ai été quelque peu surpris par l’illustration de cet article. En effet elle représente une télécabine installée au sein d’une pharmacie de Nice. Visiblement, j’ai loupé un épisode car je ne savais pas que Nice était un désert médical ? Il semblerait donc qu’il y a des déserts médicaux partout, et que la prise en charge des patients va devenir problématique dans tout l’hexagone.
En fait, en reprenant l’article, je comprends mieux les tenants et les aboutissants en ce qui concerne ce matériel « gentiment » mis à la disposition des patients. Des sociétés ont pour but de mieux achalander les officines (avec des motifs convaincants je le pense) pour qu’elles puissent offrir à leur patientèle ce genre de consultation à distance. Pour ce faire, certaines de ces entreprises sont tellement novatrices dans ce secteur qu’elles sont capables de donner cette possibilité aux officines ayant un local exigu.
En parallèle pour « informer » les patients certaines officines déploient des trésors d’imagination et ne lésinent pas sur les moyens avec un déploiement important de placards publicitaires électroniques (pas mal pour l’écologie ! ) devant leur pharmacie.
Tout aussi « intéressant » pour le déploiement des télécabines, les résidences séniors sont potentiellement la cible de ces sociétés qui vont de cette manière permettre à des personnes âgées d’être en contact avec un professionnel de santé à distance, lequel va pouvoir les prendre en charge (il est vrai que les pathologies chroniques peuvent être abordées en un clic).
De toute manière, cette nouvelle technologie est appréciée par les citoyens, mais on oublie quelque peu que ceux qui plébiscitent ce choix n’ont pas d’autres possibilités de prise en charge.
Une offre disparate
Au-delà du fait que cette nouvelle technologie donne l’accès aux soins à des patients n’ayant aucune possibilité de joindre un médecin généraliste, on peut se poser de nombreuses questions. En effet, comment se fait-il qu’il n’y ait pas de contrôle en ce qui concerne la répartition de ces outils au sein des officines notamment ? Comment les pouvoirs publics ne freinent-ils pas leur implantation dans des zones où l’offre de soins est suffisante ? Pourquoi ne pas demander l’aval des professionnels de santé situés à proximité avant de rendre effectif leur implantation ?
Et puis, cette nouvelle approche du soin ne va-t-elle pas conduire à un consumérisme médical à outrance ? Quel est le profil des médecins qui vont assurer les téléconsultations (retraités, libéraux à temps partiel) ? Quid de la rémunération, des contrats, du secret médical concernant les médecins travaillant au sein de ces plateformes ?
En tant que professionnel de santé appartenant à la vieille génération, je reste dubitatif et assez critique vis-à-vis de cette nouvelle approche du soin. Utiliser avec grande prudence et parcimonie la téléconsultation dans les déserts médicaux est une possibilité mais pas une solution à moyen terme.
Il est fondamental que les patients aient un suivi par un médecin généraliste qui va les examiner très régulièrement car la santé est un bien que le professionnel de santé doit savoir préserver. Nous ne devons pas oublier que le fer de lance de notre pratique c’est avant tout l’examen du patient car il permet dans de nombreuses situations de mieux appréhender la pathologie des patients et résoudre des problématiques complexes.
Penser que la téléconsultation va se substituer au médecin dans un avenir proche est une erreur monumentale. Il ne s’agit que d’une solution pour régler de manière temporaire (nous l’espérons tous) la pénurie de professionnels de santé car il est important de former des médecins et pas des robots.
Les connaissances dans le domaine de la santé sont de plus en plus fournies, et le médecin pour acquérir un socle doit déjà avoir une pratique d’au moins 9 ans au sein des universités. Confier à des machines, avec des programmes basés sur des algorithmes décisionnels, la possibilité de traiter les patients est à mon sens une gageure.
Quant aux sociétés qui développent ces télécabines, tout comme les sociétés privées qui nous harcèlent journellement pour adhérer à des programmes de formation (avec parfois une relative agressivité), il est important de leur montrer que la santé du patient est avant tout l’affaire des médecins et pas de technologies diverses et variées parfois très lucratives. Il est à mon sens anormal que des non-professionnels puissent être invités à une table où seuls les soignants doivent être conviés.
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