La petite note du Dr Frances du 20/05/22 (« Engorgement des urgences : des propositions peu sensées ») à laquelle j’adhère totalement m’a amené à une fort curieuse conclusion, car l’équation actuelle est devenue la suivante : urgences impossibles à gérer parce que 1/ hôpitaux débordés ou insuffisants + 2/ médecins de ville se raréfiant et de toute façon débordés et ne pouvant même déjà plus prendre de nouveaux patients + 3/ jeune génération en recherche d’une pratique moins astreignante, plus collégiale et proche des moyens techniques + 4/ qui, se féminisant de plus en plus, est moins à même d’être disponible au regard souvent de charges familiales pas toujours… partagées + 5/ j’ajouterai le non-dit (!), la judiciarisation assurée par perte de chances pour les pauvres généralistes qui auront trop fait attendre ou n’auraient pas dû s’en charger faute des moyens « modernes » dont disposent les services pointus (les médias s’en repaîtraient…)
Alors, que faire ? Trier les urgences en amont, sinon on ne s’en sortira pas. Or, la plupart (mais pas toutes), les graves et très graves, sont déjà triées par Samu, Pompiers, SOS Médecins, etc. Et les médecins aussi, quoi qu’on dise. Elles demeurent prioritaires. Mais les autres, qui va les trier ? That is THE question… Par quel moyen peut-on éviter qu’un flot de semi-urgences, fausses urgences, petites et grandes paniques, bobologie ne viennent encombrer des services où au contraire qu’une grave urgence « trompeuse ou dissimulée » n’y arrive justement pas ?
Un Centre national à numéro unique
La solution que je propose va me faire agonir, insulter, détester mais je pense que tôt ou tard nous y serons contraints et fort probablement certains sont sur la même idée. Toute urgence devra à l’avenir passer par un logiciel de tri. Comme les Français sont si doués en informatique puisqu’ils se vendent si bien aux USA, ils vont pour une fois nous créer un Central national à numéro unique et donc dimensionné en conséquence, auquel on devra obligatoirement s’adresser avec son portable, en cas d’urgence ne dépendant pas des urgences graves déjà triées. Ce Central national chapeautera les départementaux instantanément mais recevra en retour toutes les données acquises pour faire travailler cette fameuse IA, afin de profiter de cette masse pour affiner de plus en plus les logiciels et leurs orientations.
Qu’on ne me dise pas que c’est impossible, toutes les démarches diagnostiques sont modélisables, en tout cas dans un but de tri primaire par une arborisation simple des questionnaires par cases cochées. Je pense qu’un certain nombre d’orientations vers infirmiers, sages-femmes, pharmaciens Kinés, etc. ou conseils, après avis connecté du médecin traitant (s’il existe…) ou au contraire prioritaires devraient canaliser un certain nombre de cas, tout en sélectionnant tout ce qui doit être vu par un médecin. Et là, je ne vais pas me faire des copains, tous les services spécialisés devront participer et ce d’autant plus que, justement, ils disposent des outils ad hoc.
Marcher dans la rue (sans se cogner…) ou prendre train ou métro montrent assez l’extravagante emprise de ces petits instruments portables et bavards qui font que bientôt sans eux, nous ne serons plus rien ! Alors, tant qu’à faire… allons-y ! Sauf que parmi les gros problèmes restants seront d’une part la « petite grand-mère perdue dans son bocage » et d'autre part les moyens de rapatrier tout ce petit monde où il faudra. Mais quand on en sera là on y verra plus clair.
J’ajouterai – tant qu’à se faire injurier — que ce système permettra de faire un peu reculer les fausses urgences si on décide de pénaliser ceux qui abusent (ils doivent être quand même rares) ou surtout de réorienter les hyperanxieux chroniques qui meurent tous les jours que dieu fait ; et là, il aura du grain à moudre… mais pas dans le couloir de l’hôpital ou de la clinique, à la condition que l’État ait enfin un semblant de considération pour les libéraux qui restent encore (mais peut-être plus pour bien longtemps…), s’il veut les conserver ! De toutes façons, tôt ou tard, les grands groupes s’en occuperont s’il ne s’en occupe pas, ce qu’il désire peut-être de façon hypocrite habituelle.
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Exergue : L’État doit montrer un semblant de considération pour les libéraux qui restent encore (mais peut-être plus pour bien longtemps…), s’il veut les conserver !
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