Il y a quelques jours de cela j’ai été quelque peu surpris par le courrier de notre collègue (le Dr Djadda dans le Quotidien du 14 octobre). Ce dernier a mis en avant la problématique de l’insuffisance des stages hospitaliers pour les futurs généralistes. Durant leur cursus les internes en médecine générale doivent œuvrer dans différents services hospitaliers (gynécologie, pédiatrie, urgences, et stage au choix en médecine comme le SMIT), ce qu’oublie visiblement notre confrère.
Or il ne faut pas perdre de vue que les futurs confrères doivent être préparés à travailler hors des services étatiques car la base de leur métier est avant tout une activité de ville ou de campagne, et pas une pratique axée sur les pathologies hospitalières. De ce fait il est tout à fait logique que cette formation soit réalisée hors des murs des CH ou des CHU qui n’offrent pas la même logistique en ce qui concerne la prise en charge des patients que la médecine libérale.
Le Dr Djadda s’imagine en fait que la voie royale pour la formation est avant tout celle suivie par les hospitaliers. Ce discours, très formaté est celui que j’ai ou que j’entends depuis de nombreuses années par les mandarins (ils ont toujours dévalorisé la médecine générale qu’ils considèrent pour la plupart comme de la sous-médecine) qui n’ont jamais visité un cabinet médical pour un grand nombre et ne connaissent pas du tout la médecine générale et ses caractéristiques propres.
Et la 4e année alors ?
Les revendications de ce courrier font en fait suite à une annonce très médiatiquement développée et qui je le pense va être très prochainement actée : celle d’une 4e année dans les déserts médicaux pour les internes en médecine générale.
Ce que ne comprend pas ce collègue, c’est le fait que cette 4e année a été proposée pour calmer l’ire d’une partie de la population française qui n’est acceptée par aucun médecin traitant. Par voie de conséquence elle se retrouve avec des pathologies parfois simples qui doivent être réglées par des urgentistes débordés.
En favorisant une revitalisation des déserts médicaux par les étudiants, le gouvernement souhaite recevoir des félicitations de la part d’un électorat très remonté, du fait de l’instauration du numerus clausus il y a quelques décennies de cela. Cette démarche ne prend bien entendu pas en compte le désarroi de ces jeunes confrères qui vont être parachutés (on ne sait pas par quel mode) dans des régions ou banlieues dépourvues de généralistes.
Autrement dit, le ministre de la Santé n’a pas du tout dans l’idée qu’il faille étoffer l’offre de soins en milieu hospitalier, et se moque profondément de la détresse procurée par cette mesure qui est très injuste et risque de produire un effet négatif dans le choix futur des étudiants en médecine, alors même que la spécialité est arrivée depuis quelques années à redorer son blason.
Notre confrère oublie que la prise en charge des 2/3 des patients est assurée par la masse laborieuse des libéraux, libéraux qui ont une manière de prendre en charge les patients très spécifiques. Le généraliste est un chef d’orchestre qui doit faire au mieux face à la situation complexe de son patient pour permettre d’assurer des soins de qualité, ou de pouvoir l’adresser vers un collègue spécialisé ayant une compétence dans un champ spécifique.
Si le Dr Djadda le souhaite, je l’accepte sans sourciller au sein de mon cabinet médical qui prend en charge des patients ayant des problématiques touchant la totalité des spécialités existantes.
Deux environnements qui se comprennent encore moins
Notre confrère parle de deux mondes (libéraux et hospitaliers) qui ont de plus en plus de difficultés pour se comprendre. Cette assertion me fait quelque peu bondir, car il ne faut pas oublier que ces deux entités lient parfois des liens durables et très constructifs. Ainsi, au sein de certains services d’urgence, des médecins généralistes interviennent en rajoutant des heures supplémentaires à celles effectuées dans leur cabinet. Cette participation est effective du fait d’un déficit chronique de soignant, et elle est avant tout humaniste, ce que notre confrère omet de souligner.
Nous sommes tous dans la même galère, mais il me paraît tout à fait inconvenant d’oublier les difficultés et les spécificités de l’exercice libéral. Connaître durant des mois en service d’oncologie des protocoles de chimiothérapie est très contre-productif car il n’a aucun intérêt pour la pratique future d’un interne en médecine générale. Travailler dans de petits hôpitaux périphériques est également une pratique qui ne se rapproche que très légèrement de la pratique libérale, mais n’a rien à voir avec l’activité future du médecin généraliste.
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