Comme à l’ordinaire, pourrait-on dire, car les épisodes se répètent depuis des années, nous assistons dans cette pandémie à des discours divers sur le rôle éminent du médecin généraliste (désormais pilier, parfois encore pivot et autres vieux avatars syndicaux…). Rôle incontournable promis pour le Covid 19 où nous allions voir ce que nous allions voir, puis consternation car pas de vraie fréquentation Covid, puis pilier du suivi des Covid déclarés et contacts, mais on apprend vite que nous n’en aurons - peut-être - qu’un ou deux, et peut-être pas du tout, tant le taux de positivité s’effondre jour après jour… !
On a donc plus que l’impression d’un discours complètement décalé avec la réalité des choses, cherchant quoi ? À masquer la faiblesse des choses ? La pusillanimité de la médecine générale ? La médecine libérale généraliste s’est préparée spontanément, sans aucune aide matérielle et n’a été sollicitée réellement en rien, sauf à la marge, et en plus juste pour y établir des restrictions péremptoires et gratuites.
Mais nous allons tous y laisser des plumes… C'est déjà là une évidence incontournable… Les modalités d'offres de soins et leurs réponses bougent déjà très sensiblement… Et tout ce qui se passe dans ce domaine montre l'extrême fragilité de l'économie et de l’existence même des cabinets médicaux généralistes : j’allais parler de notre écosystème.
Tout est en place pour le quadrille ! La susceptibilité des clientèles et des malades aux discours ambiants, pourtant discordants à souhait, est assez extraordinaire et aggravée par nombre de facteurs qui s’additionnent pour mener, à l’occasion de la situation actuelle, à une menace explosive…
Un cercle vicieux
Médecins non accessibles, vrais ou faux, du fait du Covid 19 et de son hystérie dans nombre de cabinets médicaux. Médecins pas fréquentables sur instruction ministérielle non pertinente… Médecins traitants ou pas. Le refus souvent surréaliste des médecins pour prendre de nouveaux patients… Refus des visites à domicile… Téléconsultations qui sont, qu’on le veuille ou non, une caricature de consultation médicale, d’une superficialité consternante. Les bricolages dédiés aux officines pour les prescriptions… Les dégâts occasionnés depuis longtemps par les centres hospitaliers et leurs prescriptions en roue libre. Avec des ordonnances à renouveler pour 3 mois, pour 6 mois, des ordonnances faxées, qui viennent souvent court court-circuiter le médecin généraliste. Tout concourt à miner notre image et notre présence. Un cercle vicieux pour le médecin généraliste qui y perd très souvent son âme et son aura et surtout sa représentation dans l’esprit des malades. (...)
La confusion devient extrême. Et on débouche sur le processus usuel selon lequel ce qui est vécu et ressenti comme une baisse de l’offre, effondre la demande. Très exactement comme pour la visite à domicile. Mais ici l’ampleur est bien plus forte et l'évolution longue dans le temps, plus forte et pérenne.
La population semble être déjà passée au jour d’après vis-à-vis des médecins généralistes. Il est vrai que sans nous, sans notre présence, on se demande depuis toujours ce que pourraient devenir nos malades, puisqu’une part importante des réponses apportées ne peut l’être que par les généralistes. Sans nous, la dégradation de la qualité des soins générale sera sensible et forte. Mais la question se pose ici, de savoir si la population, visiblement de moins en moins sensible à cette notion de qualité, perdue dans le foisonnement actuel, ne pourrait pas faire la pire des réponses, c’est-à-dire commencer à s’abstenir ?
On trace une croix sur un certain nombre de choses touchant aux soins. Les surveillances gynécologiques s’effondrent, que faisons-nous pour y pallier ? Et dans le même temps médical – de plus en plus schizophrénique – on nous parle de faire beaucoup plus de prévention ???
Nous arrivons aux limites de l’usure professionnelle de chacun, face à tous ces facteurs, entre des honoraires de plus en plus insignifiants, une revalorisation actée tous les 5 ans, hors de toute réalité terrestre. 5 ans, une éternité à l’époque actuelle, face à des charges qui bougent bien plus vite. S’il n'y a aucune revalorisation significative pour la consultation acte de base, ce n'est plus le petit désert médical actuel que les populations vont devoir affronter mais bien autre chose, car les temps vont être très durs pour les cabinets généralistes. Ségur 2020 : On ne peut plus jouer encore une fois de la corne d’abondance pour les hôpitaux, et laisser en déshérence totale les médecins libéraux.
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