Les médias ne cessent, depuis quelques semaines, de parler de l’intérêt de la vaccination pour le Covid-19 et de son succès futur. Différentes rédactions avancent les avantages de tel ou tel vaccin (plusieurs firmes pharmaceutiques sont impliquées dans cette recherche et cette production) avec une couverture vaccinale qui avoisinerait les 95 %.
Notre équipe gouvernementale a pris les devants suite à cette annonce en mettant une option d’achat sur ces précieux produits. Des frigos permettant un stockage à très basse température ont été achetés, et un nombre important de doses ont été achetées. Une réaction de nos politiques avait par ailleurs conduit, il y a quelques mois de cela (divulgation de cette initiative par certains médias), à des achats importants d’antirétroviraux qui sont jugés actuellement inefficaces voire même délétères dans la lutte contre le Covid-19…
Des reportages ont été réalisés au sein d’une entreprise pharmaceutique qui compte produire dans un avenir très proche ces vaccins qui vont à coup sûr « sauver l’humanité ». De gros espoirs ont été mis en avant, tant au niveau de cette participation patriotique en synergie avec Pfizer que sur le front de l’emploi, suite à un reportage concernant cette petite PME de Normandie (Delphram).
Ne confondons pas vitesse et précipitation
De nombreuses questions se posent concernant le futur vaccin. Mes patients restent quelque peu divisés sur la question « du vaccin anti-Covid » ; certains jugeant que cette production a été très rapide, tandis que d’autres sont très satisfaits de voir « le bout du tunnel » qui va leur permettre de ne plus être privés de leur liberté d’action.
Ces avis très contrastés doivent nous faire quelque peu réfléchir. En effet, les vaccins devraient être disponibles très prochainement (les dates concernant leur disponibilité varient en fonction des médias). « Devraient » ne veut pas dire sont disponibles…
Avant d’être commercialisés il est nécessaire que ces vaccins montrent leur efficacité dans la « vraie vie », et il est important également qu’ils ne présentent pas d’effets secondaires. De plus, d’ici la commercialisation (même si elle est imminente, elle ne sera pas immédiate) ; il va falloir s’assurer que le virus ne mute pas. D’ailleurs certains journalistes ont parlé de mutation au Danemark avec une souche différente de celle habituelle parmi les populations de visons. Si cela est le cas, l’efficacité de 95 % ne sera plus au rendez-vous.
De ce fait, il est important de ne pas se précipiter, et se donner le temps d’analyser l’intérêt de cette future vaccination. N’oublions pas qu’en donnant de telles informations aussi affirmatives au public, on risque de décevoir voire même de créer un climat de défiance vis-à-vis des pouvoirs publics et des médecins.
D’autre part, cette main mise de l’industrie pharmaceutique dans notre comportement quotidien heurte de nombreux concitoyens qui voient derrière tout ce battage médiatique quelques conflits d’intérêts.
Cette réflexion a également été développée par le Pr Raoult qui juge la mise sur le marché de vaccins « comme de la science-fiction ». Bien que notre célèbre infectiologue puisse être contesté sur certains points, il a pu cette fois donner un avis quelque peu logique et sensé.
« La brusquerie fait tout rater ! C’est la précipitation qui culbute tous les pronostics !.. Les plus fructueuses entreprises sont celles qui mûrissent très lentement ! » Louis-Ferdinand Destouches (Céline).
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