Courrier des lecteurs

Une stigmatisation des soignants trop facile

Publié le 26/03/2021

Force est de constater que de nombreuses failles existent dans l’organisation de la vaccination pour le Covid-19. Outre les problèmes inhérents à la prise de rendez-vous (de nombreux patients viennent excédés au cabinet du fait de l’impossibilité de prendre rendez-vous à partir de la plateforme dédiée), un autre écueil européen et probablement international se présente comme un caillou dans la chaussure de l’exécutif français : le passeport vaccinal.

Afin de ne pas trop heurter la population le Président a changé le terme en l’affublant d’une dénomination « plus consensuelle » : le PASS vaccinal. Bien entendu, nos dirigeants politiques soulignent que cette proposition est à l’étude, et qu’elle n’est pas actuellement validée. Cependant, nous allons devoir nous plier à des règles fixées par les autres pays pour pouvoir voyager ou pour travailler.

Malheureusement, pour permettre à nos concitoyens volontaires de se vacciner, il faut arriver à obtenir un nombre de lots suffisants, et il est nécessaire par ailleurs d’avoir une organisation tirée au cordeau. De ce fait, il a été décidé (cela aurait pu être effectué bien avant) de créer des vaccinodromes géants, et de vacciner 7 jours sur 7.

Le médecin une fois de plus responsable et coupable

Néanmoins, nous devons nous rendre à l’évidence le retard pris risque de créer de grosses frustrations chez les Français souhaitant durant l’été voyager et qui ne pourront le faire du fait de l’absence de leur PASS.

En parallèle, les médias depuis quelques jours soulignent le comportement quelque peu incompréhensible des soignants de l’AP-HP qui refusent pour une grande majorité la vaccination proposée. Cette information ne cesse de tourner en boucle et donne une image plutôt négative de nos professionnels de santé auprès de la population.

Par ailleurs, nombreux sont les politiques qui se sont insurgés vis-à-vis de cette situation en proposant une obligation vaccinale de tous les soignants. De telles critiques et injonctions arrivent à stigmatiser les professionnels de santé, et sont à l’origine d’une adhésion des Français à l’obligation vaccinale de cette frange de la population. Ainsi dans un quotidien (Le Figaro du 6 mars), un sondage a permis de mettre en lumière que 73 % des sondés sur un panel de 134 878 concitoyens veulent rendre obligatoire cette vaccination chez les soignants.

Sans créer de réelles polémiques, les professionnels de santé sont avant tout des hommes et des femmes réagissant comme la plupart des Français. Ainsi, leur défiance vis-à-vis du vaccin AstraZeneca (c’est celui qu’ils doivent recevoir) est quelque peu compréhensible. Cette défiance, nous la vivons au quotidien au sein de nos cabinets lorsque nous nous proposons de réaliser ce type de vaccination.

Une fois de plus, les médias ont eu un rôle plutôt négatif et créé ce climat de suspicion (inefficacité vis-à-vis de certains variants et effets secondaires fréquents) vis-à-vis du vaccin AstraZeneca.

Au-delà de cette situation, nous devons nous interroger car l’exécutif est également monté au créneau pour critiquer haut et fort l’attitude des professionnels de santé.

Cette attitude n’est-elle pas voulue pour se dédouaner de ses fautes ?

Dans un avenir proche, ne sera-t-il pas facile de rejeter la responsabilité des échecs de la campagne vaccinale sur les professionnels de santé ?

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Dr Pierre Frances, Médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin