Peut-on demander aux libéraux de travailler plus alors que sur les 100 000 médecins hospitaliers, très peu prennent de gardes ? Comment en est-on arrivé là ? En multipliant les administratifs et les non soignants ! Les raisons sont anciennes. Je les ai décrites dans Blouses blanches colère noire (Max Milo éditions). Les cliniques privées et les médecins libéraux participaient à leur prise en charge. Beaucoup de cliniques ont fermé et les contraintes avec une tarification insuffisante les en ont détournés.
5 millions de Français n’ont plus de médecin traitant et affluent aux urgences pour le moindre bobo. La quasi-gratuité fait le reste. La complémentarité publique privée a été détruite depuis 1996. Les cliniques, regroupées dans des chaînes, ne sont plus intéressées par les urgences avec une tarification en moyenne quatre fois inférieure pour les actes non programmés par rapport à l’hôpital. Elles s’orientent vers les soins les plus rentables pour ne pas disparaître.
En conséquence, les urgences affluent de plus en plus à l’hôpital, leur nombre a doublé en 10 ans. Il a dépassé en 2019 le chiffre effarant de plus de 25 000 000 passages. Les cliniques de taille humaine qui les assuraient ont disparudisparu étouffées par les normes et les agences de santé.
Compte tenu d’un numerus clausus trop serré, les médecins ne sont plus assez nombreux en ville pour les assurer. Le rôle des médecins de ville est pourtant fondamental. L’avalanche de normes et la sous rémunération des actes les en ont détournés. Le défaut de formation participe à cette crise car les médecins généralistes ne sont plus formés à la petite chirurgie (sutures) et ne veulent plus garder ouvert des cabinets le soir pour recevoir les urgences pour des consultations « non programmées » mal rémunérées.
La réorganisation des services hospitaliers et leur modernisation n’ont pas été entreprises. Il n’y a eu aucune réorganisation des services d’urgences et trop peu d’adaptation des locaux. Les directeurs étaient trop heureux de la manne financière qu’elles rapportaient, soit plus de 5 milliards d’euros par an. En effet, une urgence, aussi bénigne soit-elle, rapporte plus de 200 euros à chaque passage. Elles avaient quasiment disparu avec la pandémie ce qui démontre les abus.
On a voulu tuer les cliniques, c'est l'hôpital qui meurt
Des solutions existent. Un premier pas a été fait avec la LFS de 2021 en exigeant un reste à charge de 18 euros pour toute urgence qui ne serait pas justifiée et en révisant la tarification en ville des soins non programmés. Ce n’est pas à l’hôpital, de la création du « Bed manager » que viendra le salut.
Quelles solutions ? Tout devrait commencer par la formation des médecins lors du deuxième cycle. La culture de l’urgence s’apprend. Elle ne doit pas reposer sur les seuls urgentistes. Les médecins généralistes devraient savoir suturer et immobiliser une fracture.
Les internes devraient, comme c’était le cas pour les générations précédentes, être formés à leur prise en charge. Rien ne les prépare à la fonction d’interne qui d’ailleurs est en train de disparaître avec la réforme. Les « Dr Juniors » ne seront en responsabilité qu’en 4e année. Il faudra donc attendre un an avant que leur formation leur permettre de s’occuper des urgences. Quel retard ! Leur formation aurait du être densifiée sans attendre leur internat.
Le deuxième cycle des études médicales devra être réformée dans ce sens pour raccourcir la durée pour les médecins généralistes, ce qui augmenterait d’autant le nombre de médecins à la sortie. Dès lors, la garde en ville pourrait reprendre ce qui soulagerait d’autant l’hôpital.
Pour retrouver l’équilibre, le monopole des urgentistes doit cesser avec un retour des médecins et des internes pour les assurer. Quel ministre de la Santé saura le faire ?
L’État a essayé de tuer les Cliniques mais c’est l’hôpital qui meurt ! La destruction des cliniques libérales indépendantes a été la conséquence des ordonnances de 1996. Elles avaient multiplié les normes et les contraintes pour les asphyxier. Elles se sont regroupées dans des chaînes ou ont été transformées en « soins de suites ». Peu participent aux urgences. Il faut tout reconstruire en commençant par l'internat de médecine générale trop tardif et en remettant les hospitaliers à la prise en charge des urgences.
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Exergue : Les médecins généralistes devraient savoir suturer et immobiliser une fracture.
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