La remarquable ¨alerte ¨ du Dr Christian Augras-Fabre ("Les effets catastrophique de la spécialité exclusive de médecine d'urgence", Le QdM 9930 du 18/02/22) met le doigt sur un constat fondamental. Sur 100 ¨dites-urgences¨, il y en a 5 absolues , environ 20 qui justifient une hospitalisation et… 75 seulement une consultation !!! Comment avons-nous pu en arriver là ? En cherchant, ne serait-ce qu’un peu, émergent déjà plusieurs causes.
D’abord et avant tout, une grande amélioration des connaissances entourant les vraies urgences ainsi que de considérables révolutions techniques de prises en charge depuis le lieu de survenue de l’urgence jusqu’aux moyens hospitaliers ou cliniques.
Mais s’y est insidieusement greffé un facteur extrêmement préoccupant, la nouvelle notion de ¨perte de chances. Elle a fait condamner, certes de façon justifiée, mais parfois selon une appréciation très… élastique de ce que l’on pouvait entendre par là ! Peu à peu, cette judiciarisation a incité de nombreux spécialistes à se considérer en danger judiciaire s’ils intervenaient hors urgence dans leur spécialité, hormis circonstances vraiment obligatoires. Il y aura maintenant toujours un avocat pour plaider parfois la limite du n’importe quoi où le confrère ne peut avoir qu’obligatoirement tort. On peut être neurologue ou dermatologue, ancien Interne et parfaitement penser par exemple à une grossesse extra… mais …méfiance. Tant et si bien que les tours de garde ne reposèrent plus, chez les libéraux, que sur les généralistes.
Ensuite, autre facteur, les fameuses 35 heures avec week-ends (parfois transformés en aqueducs) et vacances plus longues. On en vint à supprimer des consultations du samedi, d’abord en ville, ce qui engendra lentement une déstructuration totale des tours de garde ; et la désertification, pourtant annoncée clairement depuis des années, n’a vraiment pas amélioré les choses. On a fini par voir à la campagne des confrères, restés seuls, sans week-end ni vacances ! Un véritable scandale qui ne semble pas avoir ému grand monde.
La tyrannie du Tout, tout de suite
Pour parfaire le tout, la progressive, constante et sournoise politique étatisante, aidée d’une Sécurité Sociale méprisante, n’a fait qu’aggraver les problèmes, outre qu’il est bien difficile d’interrompre sa consultation pour éventuellement partir sur les routes.
D’autant qu’un autre facteur s’est surajouté et pas des moindres, Le comportement de beaucoup de gens. Tout, tout de suite. L’immédiateté de satisfaction devient agression mentale si impossible. Si fait qu’aucun médecin n’étant en général disponible instantanément, on appelle les pompiers , la police, le Samu, SOS-Médecin… etc. Et même… tous à la fois ou presque ! S’y ajoutent des batailles de chiffonniers quand on veut organiser une centralisation téléphonique.
L’hospitalo-centrisme ne pouvait dès lors que croître et s’encombrer, cependant que de nombreuses cliniques faisaient ce qu’elles pouvaient et que les confrères, en rajoutant une ou deux consultations le soir, arrivaient vite à ce train-là aux 50 ou 60 heures par semaine, avec parfois la chance de ne pas avoir, face à lui, un sur-informé par média interposé ou farfouillage Internet…
Pour finir, une anecdote vécue. Le sauvetage en pleine route de campagne normande (1964) d’un homme à vélo ayant avalé une guêpe. Il allait mourir étouffé sous quelques minutes lorsque passa, par chance, le médecin en tournée ! Il écorça en urgence deux brins de noisetier du talus, fendit au scalpel la trachée entre deux anneaux dans un flot de sang, maintint l’ouverture avec les deux brins… et sauva cet homme, cependant que la turgescence s’estompant , le saignement devint contrôlable. Quel médecin s’aventurerait actuellement dans un tel sauvetage, la ville étant à 20 km ? Serait-il arrivé vivant sans cela ? Aurait-ce mal fini ? Que penserait la Justice, car il est évident que la polémique aurait envahi les réseaux dits sociaux ?
Qui va revoir de fond en comble toute la méthodologie des urgences pour éviter que trois malades sur quatre n’encombrent les hôpitaux et entreprendre un très gros travail pédagogique auprès de la population ? Qui va s’attacher à cette immense tâche ?
Exergue : Qui va revoir de fond en comble toute la méthodologie des urgences pour éviter que trois malades sur quatre n’encombrent les hôpitaux ?
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