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Dossier

Diabète de type 2, de plus en plus de jeunes concernés

Publié le 04/10/2019
Diabète de type 2, de plus en plus de jeunes concernés

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BURGER/PHANIE

En quelques années, la façon dont on appréhende le diabète de type 2 a beaucoup évolué. Ce dernier n’est plus considéré comme l’apanage de l’adulte, les stratégies thérapeutiques se préoccupent de plus en plus de cardio-protection, alors que l’incidence de la maladie tend à diminuer. Autant de mutations abordées lors du récent congrès européen de diabétologie.

Longtemps considéré comme l’apanage des adultes, le diabète de type 2 (DT2) n’épargne plus aujourd’hui ni les adolescents ni les enfants, comme en témoignent les données présentées lors du congrès européen de diabétologie 2019 (EASD 16-20 septembre, Barcelone, Espagne).

Aux États-Unis, entre 2002 et 2013, l’incidence du DT2 parmi les 10-19 ans est passée de 9 à 12/100 000. La progression est surtout impressionnante chez les jeunes Indiens d’Amérique où l’incidence a triplé (15 à 45/100 000) et en population noire (18 à 35). Elle a progressé de manière plus modeste chez les hispaniques (de 14 à 17) ou les Asiatiques (de 8 à 12) et est restée stable – autour de 4 pour 100 000 – chez les Blancs non hispaniques.

En France, le DT2 “juvénile reste rare, mais l’Inserm estime, malgré la quasi absence de données nationales, « que le diabète de type 2 touche de plus en plus de jeunes, y compris des adolescents, voire des enfants ». Une thèse de médecine de 2017 a chiffré qu’une fois sur dix, un diabète révélé avant l’âge de 18 ans chez des jeunes hospitalisés à La Réunion entre 2010 et 2014 était un type 2. Difficile cependant d’extrapoler au reste du pays.

Cette augmentation du DT2 juvénile est corrélée à celle de l'obésité des enfants, certains groupes ethniques semblant plus exposés, probablement du fait de prédispositions génétiques et sans doute de facteurs sociaux, mais cela reste à confirmer.

Davantage de complications qu’avec le DT1

D’un point de vue phénotypique, il apparaît dans la cohorte américaine RISE dont les résultats étaient présentés à Barcelone « que les phénotypes des jeunes DT2 sont encore plus variés que chez les adultes avec des différences parfois considérables vis-à-vis de la tension artérielle, de l’IMC, du profil lipidique, etc. », indique le Pr Kieren Mather (Indiana University, USA)

Par ailleurs, « les traitements ne semblent pas retarder l’évolution de l’histoire naturelle du DT2 chez ces jeunes et la dégradation de la fonction des cellules bêta semble précoce, rapide et agressive comparativement aux adultes ». Pour ne rien arranger, le contrôle glycémique laisse à désirer dans cette tranche d’âge : « celui-ci est mauvais chez 49 % des jeunes type 2 après 4 ans d’ancienneté du diabète versus 25% chez les type 1 », compare Catherine Pihoker (University of Washington, Seattle).

Or, l’enjeu est important, le fardeau des complications précoces chez les jeunes DT2 étant particulièrement lourd, bien plus que chez les types 1. Dans l’étude Search for Diabetes in Youth, les diabétiques de type de 2 de moins de 20 ans ont un risque accru de complications rénales, rétiniennes et neurologiques par rapport à des diabétiques de type 1 du même âge, explique le Pr Pihoker. Ainsi, plus des deux tiers (72 %) ont au moins une complication ou comorbidité versus 32 % des DT1, essentiellement à type de rétinopathie (9,1 % des DT2 vs 6,5 % des DT1), de neuropathie périphérique (17,7 % vs 8,5 %) ou encore de rigidité artérielle (37,1 % vs 11,6 %).

Des données de l’étude Today présentées en avant-première par le Pr Meda Pavkov (Center for disease control and prevention, USA) montrent que chez les jeunes diabétiques de type 2 américains, l’incidence cumulative à 12 ans des dyslipidémies est de 26 % pour le cholestérol LDL (LDL ≥ 130 mg/dL), 35 % pour les triglycérides, 55 % pour l’HTA et 40 % pour la dégradation rénale.

Les risques sont tels qu’en 2018, l’International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes (ISPAD) a codifié la surveillance de ces jeunes diabétiques de type 2. Comme les types 1, la surveillance de la rétinopathie, de la dégradation rénale et de la neuropathie périphérique doit être réalisée dès l’âge de 11 ans, après deux à cinq ans d’ancienneté du diabète puis annuellement. Un profil lipidique doit être évalué au départ chez des enfants stables du point de vue métabolique puis annuellement (contre tous les cinq ans chez les DT1) et la pression artérielle vérifiée à chaque visite.

Moindre sensibilité à l'insuline

Côté traitements, avant 18 ans, seules la metformine et l’insuline sont autorisées. Or, le DT2 juvénile est caractérisé par une sensibilité à l’insuline nettement plus basse que chez l’adulte, quel que soit le niveau d’adiposité ou l’IMC. Par ailleurs, selon l’étude Today, la metformine en monothérapie permet un contrôle durable chez seulement la moitié des jeunes DT2.

C’est pourquoi d’autres molécules sont testées, dont le liraglutide, un analogue du GLP-1. Dans l’étude randomisée Ellipse présentée à l’EASD, chez des 10-17 ans en surpoids et pour lesquels la glycémie n’est pas contrôlée, le liraglutide associé à la metformine (avec ou sans insuline basale) réduit le taux d’HbA1c de 1,30 % à 52 semaines, en comparaison au placebo.

En bref

Hormones et DT2 La pilule contraceptive et le fait d’avoir des cycles menstruels prolongés sont associés à un risque plus élevé de DT2, tandis qu’une puberté et une ménopause tardives vont de pair avec un risque plus faible (cohorte française E3N).

Des antidiabétiques contre la NAFLD Des données post-hoc montrent qu’un traitement par exénatide/dapagliflozine améliore la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) et la fibrose chez les patients DT2 mal contrôlés sous metformine.

Le DT2 marque le pas Selon un travail de Santé publique France présenté à Barcelone, sur la période 2010-2017, l’incidence du diabète de type 2 a diminué en France de - 2,6 % pour les hommes à - 3,9 % pour les femmes. Une autre étude présentée au congrès aboutit aux mêmes conclusions au niveau international, du moins dans les pays riches.

Hélène Joubert