Ginasservis, deuxième étape de la journée. La pause déjeuner terminée, attablée en terrasse à la boulangerie, l’équipe du Gynécobus rejoint le camion garé derrière le centre médical de ce village varois de 1 900 habitants. Dix minutes avant la reprise des consultations, à 13 heures, c’est le branle-bas de combat : « C’est rangé comme dans un camping-car, il faut tout attacher », explique Maëva Selingue, la conductrice et l’assistante médicale.
Échographe, fauteuil de gynécologie, matériel médical adéquat pour faire des frottis, des poses et retraits de stérilet ou d’implant contraceptif : « C’est vraiment un mini-cabinet », insiste Laure Fabre, sage-femme, coordinatrice et cofondatrice du Gynécobus. Jusqu’à 17 heures, ce jeudi 9 mars, le Dr Olivier Marpeau, chirurgien gynécologue à l’hôpital privé de Provence (Aix-en-Provence), exerce en binôme avec Noémie Falzon, sage-femme libérale à Rians, tout juste diplômée.
250 euros brut la vacation
Ce matin, le duo a attaqué à 9 heures, à Saint-Julien-le-Montagnier, un autre village varois, à dix minutes en voiture. « Hier, j’étais au bloc opératoire toute la journée, me retrouver là, c’est rafraîchissant », lance le Dr Marpeau, qui se surnomme « Mon Gynéco » sur les réseaux sociaux, fort de 220 000 followers sur son compte Instagram. « La salle d’examen est un peu exiguë, on travaille à la frontale. Les patientes prennent ça très bien! », commente le chirurgien de 45 ans.
Dix-huit gynécologues et dix-sept sages-femmes participent au dispositif itinérant. Tous sont rémunérés au même montant, soit 250 € brut la vacation d’une journée. Et tous, ou presque, viennent d’ailleurs – Martigues, Istres, Toulon, Aix… – du public comme du privé, de l’hôpital comme du libéral. « Je ne me suis pas attachée au statut », reconnaît Laure Fabre qui a mis quatre ans pour réaliser ce projet avec le Dr Gérard Grelet, ancien chef de service de la maternité de Pertuis. « C’est un système de valeurs qui a permis de fédérer la promotion de la santé, un mode de consultation innovant et une équipe pluriprofessionnelle », énumère la sage-femme.
Carence de soins et médecine mobile
Tout commence e 2018, alors qu'elle vient d’ouvrir son cabinet à Rians. « Je pensais faire de la gynécologie de prévention et je vois arriver des patientes avec des pathologies avancées », raconte la jeune quadra. Dans la foulée d’un diagnostic territorial à l’initiative de l’intercommunalité, elle propose alors de travailler sur la carence de soins sous l’angle de la mobilité. « Pour moi, l’idée du bus était évidente : soit on armait toutes les communes d’une salle de consultation et le prix s’envolait. Soit, on déplaçait le cabinet ! », poursuit Laure Fabre qui obtient le soutien d’élus locaux, de l’agence régionale de santé (ARS), de l’État et des collectivités ! Le camion – d’une valeur d’achat de 130 000 € (tout équipé) – a été livré à la fin de l’été 2022. Il constitue une unité fonctionnelle de l’hôpital de Brignoles et tourne dans 42 communes de Provence Verte et Provence Verdon.
Planning, cotation des actes, vérification des données personnelles, dépôt des prélèvements au laboratoire, recueil des résultats : la charge administrative comme la logistique sont absorbées par les deux salariées. Pendant les vingt minutes de consultation, « on se concentre sur la patiente et sur le soin », résume le Dr Marpeau.
Impliqué dans le projet depuis septembre 2021, le gynécologue vient en moyenne une fois tous les deux mois. « Ici, il y a une dimension sociale, que je retrouve beaucoup moins dans mon activité quotidienne au sein d’une grosse clinique hypermoderne », souligne le chirurgien. « J’ai déjà opéré deux ou trois patientes que j’avais vu en consultation dans le Gynécobus, poursuit-il. On dépiste des lésions précancéreuses du col de l’utérus, des cancers du sein, des fibromes, de l’endométriose… »
Sept ans sans voir de gynéco
« Le duo gynéco/sage-femme est très intéressant. Ça permet d’avoir deux approches différentes et qui se complètent bien. Nous sommes plus axés sur la pathologie », se félicite le médecin spécialiste. Et le succès est au rendez-vous : chaque mois, environ 400 femmes viennent consulter dans le Gynécobus, où elles n'avancent pas les frais, comme à l’hôpital.
Caroline, 39 ans, habite Ginasservis et rappelle le contexte local de pénurie médicale. « J’ai voulu prendre rendez-vous chez mon gynéco mais le prochain créneau disponible à l’horaire qui me convenait était dans cinq mois… », explique-t-elle. Sophie, 43 ans, a obtenu un rendez-vous en moins de deux semaines sur Doctolib. « Ça fait sept ans que je n’ai pas vu de gynéco. J’ai eu une hystérectomie et après j’ai pensé que j’étais tranquille, explique cette patiente de Vinon-sur-Verdon, à 8 km, à l’issue de la consultation. C’était très bien, réconfortant, j’ai posé deux ou trois questions et j’ai eu une bonne écoute ».