Clément, 71 ans, consulte pour renouveler son traitement antidiabétique.
Il en profite pour nous parler d’une lésion ulcérée au niveau de la commissure de ses lèvres (photo 1).
Il a déjà consulté et il lui a été expliqué qu’il s’agissait d’une perlèche. Des antifongiques locaux et des dermocorticoïdes lui ont été prescrits, sans succès.
Compte tenu de cette absence d’efficacité, et en réalisant au cours de l’interrogatoire que Clément vit seul avec des partenaires occasionnels, nous avons effectué différentes analyses afin de rechercher une IST.
Ce bilan a permis d’objectiver une positivité de la sérologie syphilitique. Il s’agit en fait d’une pseudo-perlèche en rapport avec une syphilis secondaire.
INTRODUCTION
La syphilis est une infection sexuellement transmissible (IST) due à Treponema pallidum (bactérie de la famille des spirochètes).
Une recrudescence de son incidence est observée depuis les années 2000.
Les infections à tréponème se font principalement chez les hommes ayant des rapports avec des hommes (81 % des cas) et, dans 32 % des cas, on met en évidence une contamination conjointe avec le VIH.
Après les manifestations génitales en rapport avec cette IST, la cavité orale est le site le plus fréquemment concerné (30 % des patients ayant une syphilis secondaire présentent des lésions oropharyngées).
La syphilis secondaire est observée dans la majorité des cas 2 mois après la contamination, et la durée de cette phase varie entre 4 mois et 2 à 3 ans.
Les manifestations oropharyngées surviennent au cours de la deuxième floraison (entre le 2e et le 4e mois), après la première floraison (roséole syphilitique avec des macules rosées au niveau du tronc et de la racine des membres) qui est fugace.
SYMPTOMATOLOGIE BUCCALE
Au niveau de la cavité buccale, on observe des lésions ayant un caractère polymorphe.
Ces lésions sont inconstamment douloureuses, mais très contagieuses du fait de la présence de tréponèmes au niveau de la partie superficielle des muqueuses.
Les plaques muqueuses sont caractéristiques de cette phase secondaire. Ce sont des macules que l’on peut observer sur les lèvres, les gencives, le palais, la langue. Ces éléments ovalaires et parfois surélevés (dans certains cas, on peut mettre en évidence une pseudomembrane blanche ou grise), de diamètre inférieur à 1 cm, ont un caractère érosif, et prennent au niveau de la langue un aspect de « prairie fauchée ». Dans certains cas, ces formations peuvent devenir coalescentes et donnent des lésions serpigineuses blanches (ulcères en forme de « traînée rampante d’escargot »).
On peut également mettre en évidence : des lésions maculo-papuleuses au niveau du palais (syphilides maculaires), des zones verruqueuses leucoplasiques, des érosions avec à la surface un exsudat de couleur grise et une bordure érythémateuse, des lésions avec un exsudat blanc (ressemblant à une leucoplasie orale chevelue), des lésions condylomateuses charnues fréquemment observées au niveau de la zone du chancre (les lèvres sont préférentiellement concernées, mais la langue, le palais ou les joues sont parfois le siège de ces formations), des syphilides érosives avec des ulcérations fibrineuses à fond plat, des pseudo-perlèches unilatérales avec des ulcérations parfois profondes et un aspect avec des bords surélevés (comme des bourrelets symétriques), des lésions maculeuses avec un fin voile de couleur blanche qui sont en fait des polynucléaires neutrophiles en exocytose (syphilides opalines). De manière tardive, les lésions peuvent s’ulcérer et devenir creusantes (syphilides papulo-ulcéreuses) avec un aspect de cratères fissurés ou de ramifications étoilées.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic repose principalement sur la sérologie (test tréponémique en priorité TPHA le plus souvent, et en cas de positivité : un test non tréponémique VDRL le plus souvent).
Le titre du VDRL est un marqueur d’évolutivité. Sa décroissance permet de s’assurer de la bonne réponse au traitement, mais aussi de l’absence d’une recontamination.
Dans le cas d’une syphilis secondaire, VDRL et TPHA sont positifs.
Il est aussi possible d’effectuer un prélèvement au niveau d’une lésion et rechercher le tréponème, mais cela est plus difficile à réaliser, et les résultats souvent aléatoires.
TRAITEMENT
Le traitement de la syphilis secondaire repose sur une antibiothérapie :
- En cas de syphilis de moins d’un an : une injection unique de 2,4 millions d’unités de benzathine-benzylpénicilline.
- En cas de syphilis de plus d’un an : le même traitement doit être effectué 3 fois à une semaine d’intervalle.
BIBLIOGRAPHIE
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