Pneumologie

Diagnostiquer une pneumopathie aiguë communautaire

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Publié le 29/01/2016
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La récente prise de position du CNGE sur la place de la radiographie thoracique dans la prise en charge des pneumopathies aiguës communautaires (PAC) fait s’interroger sur le diagnostic même d’une PAC, longtemps considéré comme « radioclinique ».

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Jusqu’alors, le diagnostic de PAC reposait sur 3 éléments : les signes fonctionnels respiratoires, la fièvre et les images radiologiques. Pourtant, en premier recours, les choses pourraient être différentes…
 

PLACE DE LA RADIOGRAPHIE : LA POSITION DU CNGE


En janvier 2016, le CNGE a pris une position originale [1] en considérant que la radiographie thoracique (RT) n’était pas toujours justifiée dans la prise en charge ambulatoire d’une PAC et pouvait être réservée aux cas de doute diagnostique, d’évolution défavorable et aux patients à risque de pathologies sous-jacentes.

> Ce changement de paradigme découle de l’étude CAPA [3], travail français cherchant à décrire la prise en charge des PAC probables, par 425 médecins généralistes français. Dans ce travail, 19 % des patients ont été pris en charge sans RT - « notamment les patients à domicile ou en EHPAD », précise le Pr Partouche - et leur évolution a été tout aussi favorable, y compris pour les plus âgés.

Avant ce travail, peu d’études s’étaient penchées sur le sujet, même si les recos 2009 de la British Thoracic Society [4] étaient tranchées : la RT est nécessaire et urgente à l’hôpital, mais pas en ambulatoire où elle n’est pas justifiée sauf dans les 3 situations mentionnées plus haut.

> Cela est d’autant plus cohérent que la SPILF recommande [2] une antibiothérapie sans retard (idéalement dans les 4h) et qu'en France, l’imagerie en urgence n’est pas accessible partout (dans l’étude CAPA [3], seul 1/3 des patients la passaient en moins de 3 jours). De plus, elle présente de nombreux faux positifs et faux négatifs. Pour le Pr Partouche, « il ne s’agit pas de s’ériger contre la radiographie thoracique. Les recommandations de la SPILF sont faites par des infectiologues : nous leur demandons de tenir compte des études en soins primaires, et des recommandations européennes qui vont dans le même sens ».
 

LES CRITÈRES CLINIQUES


> Si la radiographie n’est plus primordiale, la clinique retrouve son statut de pierre angulaire du diagnostic. Dans l’étude CAPA [3], les symptômes sont apparus brutalement chez 62 % des patients. Ils sont plus volontiers progressifs en cas de germe atypique. Les 3 symptômes les plus fréquents étaient la toux, la fièvre > 37,8°C (± frissons) et la sensation de faiblesse ou douleurs musculaires. 70 % des patients présentaient cette triade. Parmi les autres signes fonctionnels respiratoires, on retrouve expectoration, douleur basithoracique, dyspnée, polypnée.

Les crépitants étaient retrouvés chez 80 % des patients (77 % unilatéraux) ; 28% avaient aussi des ronchis et 17 % des sibilants. Attention : 11 % des patients avaient une auscultation normale, chiffre retrouvé dans d’autres études. Chez le patient âgé, le tableau est parfois trompeur (confusion ou dyspnée isolées, apyrexie…).

> Finalement, le diagnostic de PAC reste « une suspicion de PAC ». Les études permettent cependant d’affirmer la bonne valeur prédictive négative de l’association FR <30/min, FC <100 bpm et température < 37,9°C ; et une valeur prédictive positive correcte [5] des crépitants.

> En résumé, il faut donc évidemment suspecter une PAC en cas de crépitants, mais une auscultation normale n’exclut pas le diagnostic chez un patient présentant des signes généraux marqués et des signes fonctionnels respiratoires. « L’évaluation de la gravité a davantage d’importance que la certitude diagnostique. L’essentiel est de traiter rapidement une PAC à pneumocoque », conclut le Pr Partouche.
 

GÉRER L’URGENCE


> Les PAC sont responsables de 15 000 décès/an en France ; la plupart peuvent néanmoins être gérées en ambulatoire. L’orientation est fonction des signes de gravité et des facteurs de risque de mortalité. Parmi les signes de gravité, « le score CRB65 est adapté à la pratique de premier recours ».
Il existe d’autres critères de gravité : néoplasie associée, température <35°C ou >40°C, cancer, pneumopathie d’inhalation, complication (pleurésie, abcès), conditions défavorables (isolement, milieu défavorisé)...

> Les facteurs de risque de mortalité, outre l’âge, sont les comorbidités (cardiaque, cérébrale, rénale, hépatique), la BPCO, les immunodépressions, la drépanocytose homozygote, la vie en institution, un antécédent de PAC ou d’hospitalisation dans l’année. Un patient <65 ans avec un seul facteur de risque ou un patient ≥65 ans sans autre facteur de risque, peuvent généralement être traités en ville. « Dans l’étude CAPA, 31 % des patients ont ≥65 ans et 38 % avaient des facteurs de risque de mortalité. Pourtant, 7 % seulement ont été hospitalisés », rappelle le Pr Partouche. Concernant l’impact de la vaccination [6] sur l’incidence des PAC à pneumocoque, « les résultats de l’étude hollandaise CAPiTA [7] devront être analysés ».  
 

Dr Julie Van Den Broucke (médecin généraliste), d’après un entretien avec le Pr Henri Partouche (médecin généraliste, Professeur Associé à l’Université Paris V Descartes, membre du Comité Technique des Vaccinations au HCST, membre du Conseil Scientifique

Source : Le Généraliste: 2745