Avant 2009, l'inceste n’était pas reconnu en tant que tel dans le Code pénal, seulement comme facteur aggravant, et le terme même d'inceste n'était pas inscrit dans la législation française. C'est chose faite depuis la loi n° 2010-121 du 8 février 2010 (1). On estime cependant que les cas d'inceste en France constituent 20 % des procès d'assises, et représentent 75 % des situations d'agressions sexuelles sur enfants (21) et plus de 57 % des viols sur mineurs (2).
-› En 2011, la HAS a publié des recommandations sur le repérage et signalement de l’inceste par les médecins et sur la reconnaissance des maltraitances sexuelles intrafamiliales chez le mineur (3 ; 4).
- Un mineur est défini comme une personne âgée de moins de 18 ans.
- La maltraitance sexuelle envers un mineur se définit par le fait de forcer ou inciter un mineur à prendre part à une activité sexuelle, avec ou sans contact physique, et/ou l’exploiter sexuellement. Les activités sexuelles sans contact physique incluent le fait d'imposer à un mineur de regarder ou de participer à des photographies ou des vidéos à caractère pornographique, ou celui d'imposer à un mineur d’observer des relations sexuelles.
- Une maltraitance sexuelle est intrafamiliale lorsqu'elle est commise au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin, d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. « Sans chercher à établir une définition juridique qui, du reste, n’existe formellement dans aucun code, nous avons cherché consensuellement à fixer une définition opérationelle dans le domaine de la santé », explique le Dr Vila.
QUAND PENSER A L'INCESTE ?
-›Tous les milieux sociaux et familiaux peuvent être concernés, du plus favorisé au plus modeste. Les maltraitances sexuelles peuvent être repérées par un professionnel de santé, par un professionnel de l'enfance ou par l'entourage qui sollicite alors un avis médical, ou à l'occasion d'un dévoilement des faits par le mineur lui-même. Dans ce dernier cas, le dévoilement peut être fortuit, inattendu ou fluctuant (le mineur pouvant se rétracter ou varier dans ses propos). Les particularités de l'entretien et de l'examen médical sont détaillées dans le texte des recommandations de la Haute Autorité de santé (voir sur legeneraliste.fr).
-› Même si aucun signe n'est caractéristique d'une maltraitance sexuelle, l'attention du médecin doit être attirée lorsqu'un mineur présente des manifestations sans explication cohérente et/ou en cas de changement de comportement inexpliqué, en particulier si ces manifestations persistent dans le temps ou sont répétées : troubles du comportement alimentaire, troubles du sommeil, difficultés scolaires, signes somatiques et fonctionnels non spécifiques. Toute modification du comportement habituel du mineur doit également alerter, de mêmes que certaines attitudes de l'entourage (proximité corporelle exagérée ou inadaptée avec le mineur, parent s'opposant à la consultation, refus des investigations médicales…).
-› Certains signes cliniques de la sphère génito-anale, sans être spécifiques, peuvent faire penser à une maltraitance sexuelle, en particulier s’ils sont observés chez l’enfant prépubère (moins évocateurs chez l’adolescent), si aucune cause médicale n’est retrouvée, ou s’ils sont répétés. Les plus évocateurs sont les saignements, les pertes génitales, les irritations ou les prurits génitaux, les douleurs génitales ou anales, les troubles mictionnels, les infections urinaires récurrentes chez la fille prépubère.
LE SIGNALEMENT
Comment protéger l'enfant ?
-› Le signalement au procureur de la République du tribunal de grande instance est le seul moyen pour mettre en place une protection judiciaire immédiate d’un enfant en danger, notamment si le mineur est en contact permanent ou fréquent avec son agresseur, afin d'éviter une éventuelle récidive. Le procureur de la République est joignable 24h/24, ses coordonnées étant disponibles auprès de la gendarmerie, de la police nationale (n° d’appel : 17) ou, dans les grandes villes, auprès de la brigade des mineurs.
-› En cas de doute ou de questionnement sur la situation du mineur, avant de réaliser un signalement, il est possible de s’adresser à la cellule départementale de protection de l’enfance ou cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP), qui existe au sein de chaque département. Celle-ci a pour mission de conseiller et d’assister les professionnels de l’enfance dans les situations où un mineur est en danger.
-› Si la situation le nécessite, le mineur peut être hospitalisé et le signalement au procureur effectué en parallèle. L'hospitalisation a pour buts de soustraire le mineur à son agresseur (si celui-ci est toujours au domicile du mineur), de mettre en place une prise en charge en cas de troubles psychologiques inquiétants du mineur (idées suicidaires, idées de fugue…). Cette option peut aussi être envisagée si le médecin hésite à signaler par manque d’éléments suffisants.
-› Si l'hospitalisation est envisagée, la HAS recommande de contacter préalablement un médecin hospitalier senior afin de prendre un avis et d’organiser les modalités d’accueil. Elle recommande également au médecin ayant préconisé l’hospitalisation de s’assurer que le mineur a bien été conduit à l’hôpital.
L’hospitalisation ne peut être imposée aux parents ; s’ils la refusent ou si le médecin constate que le mineur n’a pas été amené à l’hôpital, le procureur de la République doit être prévenu. Une hospitalisation décidée par le médecin peut être maintenue par le procureur de la République une fois que le signalement lui a été transmis.
Comment signaler ?
-› Le signalement est un document écrit. Pour le rédiger, il n’est pas nécessaire d’obtenir le consentement de la victime si elle est mineure (< 18 ans). Cette règle s’applique aussi pour les mineurs de plus de 15 ans.
-› Le médecin n'a pas à être certain de la maltraitance, ni à en apporter la preuve, pour faire un signalement. Et dans le cas où un parent décide de déposer plainte contre l’auteur présumé, cette démarche ne dispense pas le médecin de faire un signalement en parallèle.
-› Dans l'urgence, il est préférable de contacter au préalable le procureur de la République par téléphone. Il est recommandé d’utiliser le « signalement type », élaboré en concertation par le ministère de la Justice, le ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, le ministère délégué à la Famille, le Conseil national de l’ordre des médecins et les associations de protection de l’enfance (Voir encadré 1).
-› Ce document doit être remis aux autorités judiciaires, en clair le procureur de la République auprès du tribunal de grande instance dont dépend le lieu où les faits sont révélés, et non au patient ou à sa famille. En pratique, suite au contact téléphonique avec le procureur, il est recommandé de procéder
à un signalement par écrit, en envoyant un fax suivi d’un courrier avec accusé de réception. Il est recommandé de garder un double de ce courrier. Il n’y a pas d’obligation légale à informer les parents que l'on a fait un signalement.
Le médecin entre risques et devoir
-› Face à une suspicion de maltraitance sexuelle chez le mineur, le médecin, qui est normalement tenu au secret professionnel selon l’article 226-13 du Code pénal, peut être délié de ce secret par l’article 226-14 du même Code.
Dans le cadre d’un signalement pour maltraitance, le médecin ne pourra donc pas faire l’objet
d’une condamnation pour violation du secret professionnel.
-› En cas de plainte pour dénonciation calomnieuse (envers le médecin qui a effectué le signalement), celle-ci ne peut entraîner une condamnation que s’il est prouvé que la personne qui signale savait que les faits dénoncés ont un caractère totalement ou partiellement inexact. Dès lors, un médecin de bonne foi qui, dans le cadre d’un signalement, dénoncerait des faits de sévices ou d’agressions sexuelles commis sur un mineur ne pourrait voir sa responsabilité engagée (2).
-› En revanche, le médecin et le professionnel de santé s’exposent à une action judiciaire à leur encontre selon les articles 434-1 et 434-3 du Code pénal pour entrave à la justice s’il est démontré
qu'ils se sont abstenus de signaler un cas de maltraitance sexuelle sur un enfant dont ils ont eu connaissance.
Et selon l’article 223-6 du Code pénal, toute personne risque des poursuites pour omission de porter secours, s'il est démontré qu'elle n'a entrepris aucune démarche efficace pour protéger le mineur.
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