Gastro-entérologie

LE SYNDROME DE CHILAÏDITI

Publié le 15/03/2019
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Le signe et le syndrome de Chilaïditi sont des entités rares et secondaires à une interposition colique entre le foie et le diaphragme droit. On parle de signe quand l'interposition est asymptomatique et de syndrome quand elle est à l'origine de symptômes. Le traitement repose sur une hydratation et des laxatifs, la chirurgie étant réservée aux cas de perforations.
Cliché 1

Cliché 1
Crédit photo : Dr P. Frances

Alain, 85 ans, souffrant de colopathie, consulte à la suite d’un scanner abdominal effectué pour des douleurs en rapport avec une constipation opiniâtre. Cet examen a mis en en évidence un signe de Chilaïditi (cliché 1). Cette anomalie l'inquiète grandement et il requiert des explications.

INTRODUCTION

Le signe ou syndrome de Chilaïditi est une entité rare (incidence entre 0,025 et 0,28 %). Il s’agit d’une manifestation radiologique décrite pour la première fois en 1910 par le radiologue d'origine grecque Demetrius Chilaïditi.
Cette particularité radiologique est en relation avec une interposition colique entre le foie et la coupole diaphragmatique droite.
– Si cette interposition est asymptomatique on parle de signe de Chilaïditi (cas le plus fréquent).
– Si cette interposition est symptomatique on parle de syndrome de Chilaïditi.

L’incidence est plus forte chez les hommes que chez les femmes (4 fois plus) et les plus de 60 ans.

FACTEURS PRÉDISPOSANTS

→ Il peut s’agir d’une origine congénitale secondaire à une absence de ligament suspenseur du côlon transverse, ou à une paralysie diaphragmatique, ou également à un dolichocôlon.

→ Il peut également s’agir d’une origine acquise :
– Une origine hépatique : cas d’une cirrhose qui conduit à une atrophie hépatique, une ascite à la suite d'une insuffisance hépatocellulaire.
– Une origine colique : dilatation colique secondaire à un obstacle, constipation chronique, syndrome d’Ogilvie, aérophagie.
– Une pathologie néoplasique qui concerne le poumon ou les organes digestifs.
– D’autres facteurs sont authentifiés : grossesses multiples, insuffisance respiratoire, obésité, alitement, plaie iatrogène du nerf phrénique, patient ayant un retard mental ou prenant un traitement psychotrope.

ÉLÉMENTS CLINIQUES DU SYNDROME DE CHILAÏDITI

Le plus souvent, il s’agit de manifestations digestives. On note dans ce cas des nausées ou des vomissements, des douleurs abdominales centrées le plus souvent sous la coupole diaphragmatique droite, une constipation.

Des manifestations pleuro-pulmonaires peuvent également être observées, comme une détresse respiratoire.

Une évolution avec une occlusion intestinale secondaire à un volvulus est possible.

LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

L’abdomen sans préparation permet d’authentifier cette entité.

Ainsi, un aspect de pneumopéritoine peut être observé ; phénomène dû à la tonalité aréique du côlon qui s’interpose entre le diaphragme et le foie.
Le scanner abdominal permet d’identifier ce type d’anomalie, et aussi d’authentifier une éventuelle rupture diaphragmatique (non visible sur une radiographie d'abdomen sans préparation.

LES COMPLICATIONS

On peut observer :
– Au niveau du côlon : un volvulus du caecum, une perforation du côlon transverse
– Une rupture de la rate
– Une perforation du diaphragme

Ces risques sont majorés dans le cas d’une biopsie hépatique ou d’une coloscopie lorsque l’opérateur n’a pas mis en évidence cette particularité.

LE TRAITEMENT

Il repose en premier lieu, lors d’une hospitalisation, sur une hydratation intraveineuse et un traitement laxatif.

Ce traitement permet parfois un repositionnement du côlon et de traiter alors symptomatiquement le patient.

Bien entendu, dans les cas où il existe une perforation ou une occlusion secondaire à un obstacle, une intervention chirurgicale doit être effectuée.
Dans les autres cas (pathologie néoplasique sous-jacente notamment), il est nécessaire de recourir à un traitement étiologique.

Nous pouvons rassurer notre patient car ses plaintes ne sont pas en relation avec un syndrome de Chilaïditi. Il présente par contre un signe de Chilaïditi, et nous lui avons fortement recommandé de bien s’hydrater, de marcher de manière régulière et de suivre le traitement laxatif prescrit par le gastro-entérologue.

Bibliographie

1- Sidorkiewicz S, Nouyrigat V, Chéron G. Signe (ou syndrome) de Chilaiditi. Annales Françaises de Médecine d’Urgence 2013 ; 3 : 380.

2- Gad MM, Al-Husseini MJ, Salahia S, Saad AM, Amin R. Chilaiditi syndrome. A rare case of pneumoperitoneum in the emergency department : a case report. Journal of Medical Case Report 2018 ; 12 : 263.

3- Abdelkader T, Taha A. Chilaiditi’s syndrome : correct diagnosis can save the patient from unnecessary and life threatening surgery. Advanced Surgical Research Journal 2017 ; 1 : 45-47.

4- Saber AA, Boros MJ. Chilaiditi syndrome : what should every surgeon know. The American Surgeon 2005 ; 71 : 261-263.

5- Alansari M. Chilaiditi syndrome : a case of missed diagnosis. Bristish Medical Journal. Case Report 2013. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3736191/.

 

Dr Pierre Frances (médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer), Chiara Viola (interne en médecine générale. Programme Hippokrates. Turin, Italie), Pauline Cartier (interne en médecine générale, Montpellier), Elise Pialoux (externe, Montpellier).

Source : lequotidiendumedecin.fr