L’alimentation du tout-petit repose idéalement sur l’allaitement maternel, et à défaut sur des préparations obéissant à la réglementation européenne. Celles-ci visent à se rapprocher au plus près de la composition du lait maternel, avec des variations qui ont fait exploser le nombre de préparations disponibles (275 !), dans lesquelles parents et médecins ont parfois du mal à se retrouver. L’ampleur de ces variations est cependant limitée par les exigences de la réglementation européenne (directive de septembre 2015). Sauf pour quelques préparations dont les effets sont prouvés, la plupart des propriétés avancées ne sont qu'allégations.
CLASSIFICATION DES LAITS SELON L’ÂGE
Pour la grande majorité des enfants qui n’ont pas de problèmes particuliers, on utilise des laits standards, en sachant que toutes les marques se valent et qu’on peut passer sans arrière-pensée de l’une à l’autre.
Les laits après l’accouchement
Chez un enfant qui va être exclusivement allaité, les biberons de complément donnés à la maternité, notamment la première nuit suivant l’accouchement (80 % des enfants), doivent être des hydrolysats poussés, pour éviter l’allergie au lait de vache dont le risque est multiplié par deux au passage du lait maternel à un lait industriel. C’est le « dangerous bottle » de la première nuit.
Par contre, si l’allaitement est mixte, les laits utilisés sont les mêmes qu’en cas de lait industriel exclusif.
Les laits dits relais
Leur composition ne diffère des laits 1er âge que par un profil d’acides gras (AG) saturés plus proche du lait maternel. Ils n’ont aucun intérêt nutritionnel démontré par rapport aux laits standards avec lesquels le relais d'allaitement peut tout à fait être réalisé.
Les laits pour nourrisson dits 1er âge
Ils contiennent en général un rapport caséine/protéines solubles > 1, des lipides à 100 % d’origine végétale, des glucides dont 32 % à 100 % de lactose, le reste en dextrine maltose, et entre 40 et 56 UI/dl de vitamine D.
Les laits de suite ou laits 2e âge
Ils sont proposés lorsque s’établit la diversification alimentaire, soit vers l’âge de six mois. Par rapport aux laits 1er âge, ils sont plus concentrés en protéines, glucides et minéraux, moins en lipides. Le rapport caséine/protéines solubles est plus élevé, et la concentration en lactose diminuée au profit de la dextrine maltose. Leur composition a pour but de compenser la diminution de la consommation de lait lors de la diversification.
Les laits de croissanceIls sont indispensables pour assurer les besoins en fer et en certains acides gras essentiels. Ils sont recommandés par la Société française de pédiatrie qui préconise de les poursuivre jusqu’à trois à six ans (par exemple Novalac 3 Banane Pomme©, le plus riche en fer). Leur seul inconvénient est le surcoût (environ 10 à 13 euros par mois). Ils sont souvent aromatisés à la vanille et certains ont un ajout de glucides à pouvoir sucrant (saccharose, fructose, glucose) afin d’améliorer le goût. Ce qui n’aurait pas d’influence sur l’appétence pour le goût sucré, mais certains ne contiennent aucun sucre surajouté, mais leur goût les rend peu acceptables pour les enfants. À noter que Premiriz 3©, Premichèvre Croissance©, Premibio3© et Physiolac Bio Croissance© sont trop pauvres en fer. Si leur achat n’est pas possible, il faudrait donner en plus du lait de vache deux cuillères à café par jour d’huile végétale, augmenter la supplémentation en vitamine D de 150 UI/jour et donner régulièrement des apports carnés et des viandes riches en fer type foie, boudin noir, ce qui n’est pas facile à faire accepter et onéreux.
Les laits pour prématurés
• Le nouveau-né est considéré comme prématuré s’il naît avant 37 semaines de grossesse et de petit poids de naissance en dessous de 2500 g. Ces enfants ont des besoins supérieurs en calories et en protéines en particulier pour compenser le retard de croissance intra-utérin. Les laits contenant un probiotique ne doivent pas être utilisés chez un prématuré.
• Lors du retour à la maison, pour les enfants au poids compris entre 1,8 et 2 kg, les préparations doivent apporter au moins 2,5 g de protéines et 80 Kcal/100 ml (PréCélia, Pré Gallia Etape 1 Nourette, Pré Guigoz Etape 1 Nourette). S’ils pèsent plus de 2 kg, la proportion de protéines et de calories doit être au minimum de 2 g et au nombre de 70/75 cal/100 ml (Modilac Prema, Pré France Lait, PréGallia, PréGuigoz, Pré Nidal). Ces laits enrichis doivent être poursuivis selon le couloir de croissance de l’enfant, jusqu’au terme présumé de 42 voire 52 SA.
LES LAITS À BASE D’AUTRES ÉLÉMENTS QUE LE LAIT DE VACHE
Le lait infantile est très majoritairement du lait de vache, à quelques exceptions près.
→ Les préparations à base de lait de chèvre (Caprea©, Capricare©, Lait de chèvre Holle©, Prémichèvre©). Leur composition est conforme à la réglementation européenne et ils peuvent être utilisés à la place des laits classiques, mais leur prix est plus élevé. Leur intérêt est qu’ils ont conservé les lipides du lait de chèvre tandis que dans les préparations à base de lait de vache, les lipides sont pratiquement toujours remplacés par des lipides végétaux. Ils n’ont absolument pas leur place en cas d’allergie aux PLV car le risque d’allergie croisée est proche de 100 %.
→ Il reste une seule préparation infantile à base de protéines de soja qui devrait bientôt disparaître. Elle ne peut pas être donnée en cas d’allergie aux PLV, en raison de 20 à 30 % de réaction allergique croisée.→ Les préparations infantiles à base de protéines de riz ont supplanté celles à base de protéines de soja en cas d’allergie aux PLV ou quand les parents refusent les protéines animales (Modilac Riz).
Les préparations à proscrire
• Les deux préparations à base de lait de brebis ne doivent pas être données aux enfants car elles ne sont pas autorisées par la réglementation européenne (Premibrebis©). Pas plus que les laits écrémés ou demi-écrémés.
• Une préparation à base de protéines d’amande n’est pas non plus autorisée car trop éloignée de la composition idéale des laits infantiles. Ainsi, Premiamande© et Végémilk© ne doivent pas être considérées comme un lait, mais un jus végétal.
• Les soi-disant laits végétaux (amande, noisette, épeautre, soja – à ne pas confondre avec le lait à base de protéines de soja) ne sont pas des laits mais des jus végétaux, totalement inadaptés aux enfants, avec des risques de séquelles à vie voire de décès.
CLASSIFICATION DES LAITS SELON LEUR COMPOSITION
La plupart du temps, les différentes formules de lait se déclinent pour le 1er, 2e âge et les laits de croissance. Si certaines compositions ont un intérêt certain dans certaines pathologies, la plupart n’apportent pas de bénéfice prouvé.
Modifications au niveau des protéines
→ Les laits avec protéines solubles prédominantes par rapport à la caséine (ce qui est le cas dans le lait maternel) favoriseraient en théorie une meilleure digestibilité et des selles plus molles.
→ Les laits avec caséine prédominante (Lemiel©, Novalac S Petits Gloutons©, France Lait Premium©) reposent sur la propriété qu’ont les caséines de floculer au contact de l’acidité gastrique, ce qui pourrait en théorie améliorer les régurgitations et la satiété en ralentissant la vidange gastrique. Mais leur contenu énergétique est similaire à celui des autres laits !
→ Les laits hypoallergéniques (laits HA) contiennent des protéines partiellement hydrolysées, ce qui diminuerait d’un tiers le risque de sensibilisation dans les six premiers mois. Ils sont indiqués en cas d’atopie familiale. Mais tous n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, en dehors de Guigoz HA© et de Nutramigen© qui est un hydrolysat poussé de caséine. Leur intérêt est certain pendant les quatre premiers mois de vie, au-delà, il reste à prouver.
→ Les hydrolysats de protéines de lait de vache (PLV), délivrés par le pharmacien sur ordonnance médicale précisant la quantité et la durée du traitement (Althera©, Galliagène©, Nutramigen©, Pepti-Junior©), se caractérisent par une hydrolyse poussée, des traces de lactose et leur richesse en triglycérides à chaîne moyenne ce qui améliore leur digestibilité. Leur indication préférentielle est l’allergie aux PLV mais ils doivent être aussi utilisés comme biberons transitoires chez un enfant nourri exclusivement au sein.→ Les laits à base d’acides aminés libres (Alfamino©, Neocate©, Puramino©) ne contiennent pas de lactose, les lipides sont essentiellement constitués de TG à chaîne longue et l’absence de peptides supprime le risque d’allergie. Très coûteux, ils sont réservés aux rares allergies aux hydrolysats de PLV.
Une alimentation pratiquement en self service !
• Le volume de lait passe de 600 ml/jour (soit six biberons) à un mois, à 800 ml/jour (4 à 5 biberons) à quatre mois. Des chiffres qui ne sont qu’indicatifs, car c’est finalement l’enfant qui régule le mieux son alimentation. C’est-à-dire qu’on doit préparer une quantité de lait supérieure à ce qu’il demande, mais ne pas le forcer s’il n’a pas faim.
• Quant au nombre de biberons par jour, c’est pratiquement aussi lui qui décide d’espacer les prises lorsque les parents lui proposent un biberon d’un volume plus important.
• La souplesse est aussi de rigueur sur les horaires de biberons, la seule règle étant d’attendre au moins trois heures entre deux prises, sauf si le bébé n’a pas bien pris le dernier. Les alimentations nocturnes sont acceptables jusqu’à deux mois, après ce sont les troubles du sommeil assurés pour l’enfant… et ses parents. La question dans ce cas est de savoir s’il se nourrit correctement le jour, et si c’est le cas, ce qu’il demande et qui n’a rien à voir avec le biberon.
Modifications au niveau des glucides
→ Les laits pré-épaissis contiennent soit de l’amidon de maïs, de riz et/ou de pomme de terre (Guigoz AR©, Physiolac Équilibre©), soit de la caroube (France Lait AR©, Gallia AR©, Blédilait AR©) qui a pour particularité de s’épaissir dans l’estomac au contact de l’acidité gastrique. L'épaississement débute un peu dans le biberon, il augmente dans l'estomac. Ils sont indiqués en cas de régurgitations. Les laits contenant plus de 2 g/100 ml d’amidon ou de la caroube ne sont vendus qu’en pharmacie.
→ Les laits avec 100 % de lactose provoquent une fermentation au niveau colique d’une grande proportion de lactose non digérée, ce qui pourrait ramollir les selles en cas de constipation, mais la production de gaz au niveau colique peut entraîner coliques et ballonnements (Modilac transit +, Novalac Transit… etc.).
→ Les laits avec une proportion de lactose inférieure ou égale à celle de la dextrine maltose diminueraient fermentation, ballonnements et douleurs abdominales mais on sait que la grande majorité des coliques du nourrisson n’est pas liée au lactose.
→ Les laits pauvres en lactose sont indiqués lors des rares cas d’intolérance au lactose ou au cours des diarrhées aiguës sévères chez les enfants de plus de trois mois (Caliben©, Guigoz Action Colique©, Novalas AC©, Picot Action Colique Premibio©).
Modifications au niveau des lipides
→ Les laits avec des triglycérides structurés comprenant un palmitate en position bêta permettraient de ramollir les selles en cas de constipation.
→ Les laits avec des acides gras polyinsaturés à longue chaîne oméga 3 et 6 comme l’acide arachidonique et de l’acide docosahexénoïque (DHA) dans des proportions proches de celles du lait maternel pourraient favoriser le développement cognitif et l’acuité visuelle.
Modifications au niveau de la flore
→ Les laits enrichis en probiotiques permettraient de prévenir les diarrhées aiguës.
→ Les laits avec prébiotiques stimulent la flore colique, ce qui pourrait prévenir les diarrhées aiguës et améliorerait la constipation chez les nourrissons.→ Les laits contenant des ferments lactiques favorisent la digestion du lactose et pourraient diminuer les coliques.
Prudence avec les « laits bio »
• Ils sont à déconseiller, car on ne connaît pas exactement la quantité de pesticides naturels qu’ils contiennent, que leur composition n’est pas toujours parfaite et qu’ils sont plus coûteux. Aucune étude n’a jamais fait la preuve de leur intérêt sur la santé. Les aliments bio sont plus à risque d'être contaminés, pas le lait infantile.
LES LAITS À ACTION THÉRAPEUTIQUE CERTAINE
Les laits standards conviennent à une très large majorité de nourrissons, mais certaines situations pathologiques, assez peu nombreuses, peuvent bénéficier de laits spécifiques.
→ Les régurgitations sont physiologiques chez le nourrisson et disparaissent généralement spontanément vers l'âge d'un an. Elles peuvent devenir gênantes lorsqu’elles sont importantes ou fréquentes. Les laits pré-épaissis ou laits “AR” (anti-régurgitations) ont fait leurs preuves pour réduire les régurgitations. Ils sont proposés tant que l’enfant régurgite, souvent généralement quelques mois.
→ Dans les diarrhées aiguës sévères, c'est-à-dire celles qui sont hospitalisées ou celles que le médecin juge sévères, on utilisera pendant huit jours un lait appauvri en lactose (Diargal, Diarinova, France Lait LF, Guigoz AD…), avant de reprendre le lait antérieur. Sans oublier les solutés de réhydratation !
→ En cas de terrain atopique familial (eczéma, asthme, allergie alimentaire, rhinoconjonctivite allergique chez un apparenté au premier degré), le lait HA a fait la preuve de son efficacité. Commencé d’emblée, il sera poursuivi jusqu'à la diversification.
→ Dans les allergies au PLV, quelle qu’en soit la forme, on conseille des hydrolysats poussés de lait de vache ou des hydrolysats de protéines de riz.→ Dans les très rares allergies aux hydrolysats de PLV, on utilisera des préparations à base d’acides aminés libres, dont quatre sont disponibles sur le marché.
Deux situations où le changement de lait n’est pas la solution
• En cas de chute de la courbe pondérale, la question n’est pas de changer de lait mais de savoir pourquoi et de corriger la cause en cas de pathologie sous-jacente. En son absence, la chute ou l’absence de prise de poids est souvent passagère, et l’enfant va reprendre du poids. Le recours à des laits « enrichis » est inutile.
• À l’inverse, il faut laisser tranquille un enfant qui prendrait un peu trop de poids. L’obésité relève de prédispositions génétiques et n’a rien à voir avec l’alimentation des premiers mois. La grande majorité des « gros » bébés ne deviendra pas obèse. Il n’y a aucun intérêt à proposer des laits spécifiques pour prévenir l’obésité. De même pour les laits enrichis en caséine, parfois proposés pour réduire la satiété : le nourrisson régule parfaitement son poids et il est préférable de chercher à savoir pourquoi l’enfant pleure encore après le biberon.
PETITS TROUBLES DIGESTIFS ET ALLÉGATIONS
Certains laits se proposent d’améliorer certaines manifestations fonctionnelles digestives, sans preuve pour la plupart. Ce qui complique le choix, c’est qu’il n’y a pas d’effet “classe” et que ce n’est pas par exemple parce qu’un lait enrichi en probiotiques a montré son intérêt que tous les laits contenant des probiotiques ont le même impact. Il faudrait donc ne retenir que les laits pour lesquels une étude sérieuse randomisée en double aveugle a apporté la preuve d’un bénéfice sur une indication particulière.
→ Les laits standards suffisent tout à fait, mais les parents peuvent être rassurés par le recours à un lait alléguant des propriétés particulières, généralement plus cher. Il ne faut simplement pas en attendre plus que ce qui a été démontré !
→ Il est ainsi souvent proposé :
– En cas de constipation (moins de trois selles par semaine ou difficultés à évacuer), en sachant que le transit intestinal est variable d'un nourrisson à l'autre, un lait avec protéines solubles prédominantes, un lait à 100 % de lactose, un lait avec prébiotiques ou probiotiques ou avec palmitate en position bêta.
– En cas de coliques et/ou ballonnement et/ou émissions répétées de gaz, un lait à teneur réduite en lactose, un lait enrichi en probiotiques, prébiotiques ou ferments lactiques.
– Pour les nourrissons en collectivité ou sujets aux infections à répétition, les laits avec pré ou probiotiques, sans que cette indication n’ait été prouvée.
Bibliographie
1- ANSES, L’alimentation des nourrissons, https://www.anses.fr/fr/documents/ANSES-FtAlimNourrissons.pdf
2- ANSES, Risques liés à l’utilisation de boissons autres que le lait maternel et les substituts du lait maternel dans l’alimentation des nourrissons de la naissance à 1 an, https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2011sa0261.pdf
3- Dutau, Polémiques autour des laits de croissance, Médecine & enfance, janvier-février 2014, page 7
4- Ghisolfi , Fantino , Turck & al. : «Nutrient intakes of children aged 1-2 years as a function of milk consumption, cows'milk or growing-up milk », Public Health Nutr.,2013 ; 16 : 524-34.
5- Mouterde, «Diagnostic et prévention de la carence en fer chez le nourrisson et le jeune enfant », Méd. Enf., 2012 ; 2 : 52-4.
6- PNNS : Propositions pour le PNNS2011-2015 des Sociétés savantes et d’experts en nutrition, Automne 2010 Sous la direction de François Bourdillon, Noël Cano, Jacques Delarue, Dominique Turck http://www.nutritionenfantaquitaine.fr/content/propositions-des-soci-t-…
7- Tounian, Javalet, Sarrio, Alimentation de l’enfant de 0 à 3 ans, Elsevier Masson, collection Pédiatrie au quotidien, 3e édition, 2017
8- Tounian, Chouraqui, Fer et nutrition, Archives de Pédiatrie 2017;24:5S23-5S3, Elsevier Masson.
9- AFPA. Site réalisée par des pédiatres de l’AFPA en suivant les recommandations du comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie. https://www.laits.fr/
10- Recommandations pour l’alimentation des nourrissons (2017), Commission de nutrition de la Société Suisse de Pédiatrie http://www.swiss-paediatrics.org/sites/default/files/2017.07.21_empfehl…
Mise au point
La périménopause
Mise au point
La sclérose en plaques
Etude et Pratique
Appendicite aiguë de l’enfant : chirurgie ou antibiotiques ?
Mise au point
Le suivi des patients immunodéprimés en soins primaires