Monsieur F, chef d'entreprise, 62 ans, a accepté l'idée de parler avec vous de sa consommation d'alcool, et de voir ce qu'il "est possible de faire". Actuellement, il consomme 2 verres de vin à midi, 3 le soir, ainsi que des apéritifs (alcool fort) : au moins un chaque soir, davantage le week-end, et depuis 3 mois, il s'arrange pour garder dans son bureau de quoi prendre un apéritif vers 11 heures. Il a fait plusieurs tentatives infructueuses pour réduire sa consommation. En l’interrogeant, vous retrouvez quelques signes de la lignée dépressive, d'intensité modérée. Son dernier bilan biologique montre un VGM à 99, des gamma-GT à 1,5 fois la normale, et une hypertriglycéridémie.
Dans quelle catégorie d'usage d'alcool se situe M. F. ?
Monsieur F. présente plusieurs signes orientant vers le diagnostic de dépendance à l'alcool. Il a du mal à maîtriser sa consommation (dépendance psychique), et le fait qu'il éprouve le besoin de consommer de l'alcool dès 11 heures du matin, probablement pour supprimer les premiers symptômes de sevrage (anxiété, irritabilité), témoigne de l'installation d'une dépendance physique. Même chose pour l'augmentation progressive de sa consommation (phénomène de tolérance) (1). Il existe plusieurs classifications (CIM 10, DSM IV) décrivant les différents types d'usage d'alcool, le point sur ce sujet étant fait dans un document de la Société française d'alcoologie (2). La quantité consommée par M. F. – 35 verres par semaine plus les apéritifs – est supérieure au seuil de l'OMS définissant un usage à faible risque (≤ 21 verres / semaine chez l'homme), mais cela ne suffit pas à poser le diagnostic de dépendance (2).
L'utilisation d'un questionnaire standardisé dans le cas de M. F n'est pas indispensable, le patient ayant déjà visiblement abordé le sujet plusieurs fois avec son médecin. "Toutefois, si l’on désire un support relationnel pour parler avec le patient de sa dépendance et qu’il en mesure l’intensité, on peut utiliser à cette fin le questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test) (disponible en annexe de la réf 3" précise le Dr Michaud.
Faut-il proposer un sevrage et peut-on le réaliser en ambulatoire ?
Le sevrage thérapeutique s'adresse aux sujets alcoolodépendants, et non aux patients ayant un usage à risque (consommation supérieure aux seuils de l'OMS sans association à un dommage médical, psychique et social, et sans dépendance), ni à ceux ayant un usage nocif (consommation supérieure aux seuils de l'OMS avec au moins un dommage médical, psychique et social, mais sans dépendance) (1 ; 2).
"Avant de parler d'emblée de sevrage, il est préférable d'interroger M. F sur la façon dont il aimerait voir évoluer sa consommation d'alcool : souhaite-t-il arrêter ou simplement réduire les quantités consommées ? Dans ce dernier cas, on lui propose de faire l'expérience et d'en reparler ultérieurement. Pour autant, cette démarche ayant déjà été infructueuse dans le passé, elle a peu de chance d’être retenue par le patient, et peu de chance, le cas échéant, d’être réussie. En effet la réduction progressive des doses est souvent très difficile en cas d'alcoolodépendance physique, en raison de l'exacerbation des symptômes de sevrage lors de la réduction, qui conduit le patient à réaugmenter sa consommation. Néanmoins, les tentatives répétées de M. F montrent qu'il se trouve déjà dans un processus d'engagement vers un changement de comportement, qu’il convient de valoriser. À noter qu'en l'absence de dépendance physique, la réduction des quantités consommées peut constituer un objectif acceptable, mais son maintien à long terme est loin d’être garanti, et un patient perdant de nouveau le contrôle de sa consommation sera plutôt encouragé à tenter de devenir abstinent".
« Si M. F. choisit le sevrage, il est tout à fait possible de mener l'intervention en ambulatoire, en respectant les contre-indications, dont les principales sont l'antécédent d'accident de sevrage (delirium tremens, crises comitiales généralisées), l'épilepsie essentielle, et l'existence d'une dépendance physique intense (lire encadré) .»
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