Une intervention pour optimiser l’utilisation des anticoagulants oraux chez les patients atteints de fibrillation auriculaire (IMPACT-AF) : un essai randomisé en grappes. Vinereanu D, Lopes RD, Bahit MC, et al. A multifaceted intervention to improve treatment with oral anticoagulants in atrial fibrillation (IMPACT-AF) : an international, cluster-randomised trial. Lancet 2 017 ; 390 : 1 737-46.
CONTEXTE
Environ 2/3 des AVC liés à une fibrillation auriculaire (FA) non valvulaire pourraient être évités avec un traitement anticoagulant oral bien conduit (1). Néanmoins, la moitié des patients nécessitant une anticoagulation n’en reçoivent pas (2), et 80 % des victimes d’un AVC lié à une FA n'ont pas de traitement anticoagulant, ou il est inapproprié (3). Les principales raisons du décalage entre les pratiques et les données scientifiques qui démontrent formellement que le rapport efficacité/effets indésirables des anticoagulants est favorable (à partir d’un certain risque d’AVC), sont la préférence du patient, un traitement antiplaquettaire concomitant et le rapport bénéfice/risque défavorable du point de vue du médecin (4).
OBJECTIFS
Démontrer qu’une intervention éducative auprès des médecins et de leurs patients atteints de FA à risque d’AVC accroît l’utilisation d'anticoagulants et réduit les AVC.
MÉTHODE
Essai randomisé en grappes (cluster). Dans le groupe intervention (GI), les professionnels de santé ont reçu une formation sur les recommandations et les données de la science, des emails contenant des articles pertinents, des SMS, des podcasts et des appels téléphoniques réguliers de mémorisation. De leur côté, les patients et leurs familles ont reçu une information sur les bénéfices et les risques des anticoagulants via des brochures ou des vidéos, et ils ont été encouragés à en discuter avec leurs professionnels de santé. Le groupe témoin (GT) a suivi ses patients comme à l’accoutumée. Les principaux critères d’inclusion des patients étaient un âge > 18 ans et une FA documentée avec risque d’AVC (score CHA2DS2-VASc ≥ 2) justifiant une anticoagulation orale.
Le critère de jugement principal était la variation à un an du taux de patients sous anticoagulant par rapport à l’inclusion (marqueur de la qualité des soins). Le principal critère secondaire était le taux d’AVC à un an (critère pertinent pour les patients). L’analyse statistique a été faite en intention de traiter (tous les patients inclus) à l’aide d’un modèle de régression logistique tenant compte de l’effet cluster et avec divers ajustements légitimes.
RÉSULTATS
48 sites (24 dans chaque groupe) ont inclus 2 281 patients comparables à l'inclusion sur leurs principales caractéristiques. Le taux d’anticoagulation est passé de 68 % à l’inclusion à 80 % un an après dans le GI (+ 12 %) et de 64 % à 67 % dans le GT (+ 3 %) : odds-ratio (OR) = 3,28 ; IC95 % = 1,67 - 6,44, p = 0,0002. Cette différence était exclusivement liée au taux de patients ne recevant pas d’anticoagulant à l’inclusion : 48 % en recevaient un an après dans le GI, vs 18 % dans le GT : OR = 4,60 ; IC95 % = 2,20 - 9,63. Parallèlement, l’incidence annuelle des AVC a été de 1 % dans le GI vs 2 % dans le GT : OR = 0,48 ; IC95 % = 0,23 - 0,99, p = 0,04. Il n’y a pas eu de différence entre les groupes en termes d’hémorragies sévères ou cliniquement pertinentes.
COMMENTAIRES
Quand il s’agit de tester une intervention sur les pratiques des médecins, il faut randomiser ces derniers dans un essai “en grappes” et non les patients, car il est impossible de demander à un médecin de faire “blanc” avec un patient et “noir” avec un autre, sans créer un biais rédhibitoire. C’est ce que les auteurs de ce travail ont fait avec rigueur et obstination car c’est beaucoup plus compliqué qu’un essai randomisé classique. La publication d’essais en grappes dans les prestigieuses revues internationales est très rare, et IMPACT-AF le mérite bien car il montre (solidement) qu’une formation destinée aux médecins associée à une information fournie aux patients améliore les pratiques des premiers et le pronostic des seconds sans effets indésirables sévères. Ce travail milite donc pour une FMC pluridimensionnelle bien faite. Le principal reproche à lui faire concerne les sites investigateurs, particulièrement expérimentés dans la prise en charge de la FA, comme en témoignent les taux d’anticoagulation dans les deux groupes à l’inclusion (68 % et 64 %) alors qu’ils sont bien plus faibles (~50 %) en médecine générale (2).
En pratique, il faut garder à l’esprit que le ratio bénéfice/risque des anticoagulants oraux est favorable chez les patients atteints de FA avec un score de risque CHA2DS2-VASc ≥ 2, et envisager d’évaluer l’impact clinique du DPC à la française avec ce type de travail de recherche.
Bibliographie
1- Hart RG, Pearce LA, Aguilar MI. Meta-analysis : antithrombotic therapy to prevent stroke in patients who have non valvular atrial fibrillation. Ann Intern Med 2007 ; 146 : 857-67.
2- Ogilvie IM, Newton N, Welner SA, et al. Underuse of oral anticoagulants in atrial fibrillation : a systematic review. Am J Med 2010 ; 123 : 638-45.
3- Xian Y, O’Brien EC, Liang L, et al. Association of preceding antithrombotic treatment with acute ischemic stroke severity and in-hospital outcomes among patients with atrial fibrillation. JAMA 2017 ; 317 : 1057-67.
4- Vinereanu D, Al-Khalidi HR, Rao MP et al. Regional differences in presentation and antithrombotic treatment of patients with atrial fibrillation. Am J Heart 2017 ; 192 : 38-47.
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