Autonomisation du patient, économies pour la Sécu… Expérimenté depuis deux ans dans 41 hôpitaux et cliniques, l'hôtel hospitalier présente des avantages indéniables pour les patients et les médecins. Mais la fragilité du modèle économique interroge sur la pérennité du dispositif. Décryptage.
Dormir à l'hôtel plutôt qu'à l'hôpital. À l'heure où le gouvernement vise 70 % de chirurgie sans nuitée en 2022, cette rupture franche entre le soin et l'hébergement fera-t-elle partie de l'ADN de l'hôpital de demain ?
C'est ce qu'espèrent les aficionados des hôtels hospitaliers, prise en charge alternative à l'hospitalisation conventionnelle et de jour qui se développe à petits pas sur le territoire, à la faveur d'une expérimentation votée dans le budget Sécu 2015.
Ce dispositif d'hébergement temporaire non médicalisé existe en France depuis les années 90 sans cadre légal précis. Mais en 2017, 41 hôpitaux (CHU, CH) et cliniques (lucratives ou non) sont devenus bêta-testeurs. L'objectif est de tester jusqu'en 2020 les différentes facettes de cette prise en charge dans l'optique d'une généralisation, en respectant trois principes : un reste à charge zéro pour le patient (mais pas forcément pour sa famille) ; aucune perte de recette pour l'établissement ; aucune charge supplémentaire pour la Sécu, voire des économies notamment de transports et de lits.
En attendant, le modèle est à la carte. Pour « externaliser » des patients qui vivent à plus de 50 km (une heure de route), l'hôpital contractualise avec une maison des patients (réseau associatif créé il y a 40 ans), un hôtel hors les murs ou un prestataire externe. À Bordeaux, le centre de lutte contre le cancer Bergonié a hébergé 454 patients dans un Apparthotel et dans un cloître (l'Espace Beaulieu) associatif. À Paris, l'AP-HP a logé quelque 200 patients de Bichat de l'autre côté du périphérique, à 10 minutes à pied, dans un Ibis.
Seul le praticien peut déclencher sur prescription un hébergement en hôtel hospitalier pour son patient qui ne nécessite aucune surveillance médicale. Le succès de l'expérimentation dépend donc de la (bonne) volonté du professionnel à « lâcher » le malade. Le patient, lui, est souvent partant : « Cette prise en charge ponctuelle en cas de domicile éloigné répond au besoin médical, éloigne des infections nosocomiales et apporte du confort, analyse France Assos Santé (usagers). C'est donc une bonne idée. Attention en revanche à l'apparition d'un reste à charge qui n'aurait pas lieu d'être en hospitalisation conventionnelle. »
Talon d'Achille
Les patients ne sont pas les seuls à s'inquiéter du modèle économique des hôtels hospitaliers, sans aucun doute leur talon d'Achille. La souplesse laissée aux établissements pour élaborer le montage financier en a jeté plus d'un dans le trouble. Si le prix d'une chambre d'hôtel négociée peut être dix fois moins cher qu'une nuit en hospitalisation complète, qui, au final, payera l'addition ?
Ni les cliniques (voir ci-dessous), ni les hôpitaux ne veulent être les vaches à lait dans cette affaire. « L'absence de dispositif financier adapté génère un surcoût financier dissuasif pour l'hôpital, qui engage une dépense supplémentaire et se prive d'une recette liée au séjour d'hospitalisation, estime l'AP-HP. C'est un frein majeur au développement de l'expérimentation. »
L'assurance-maladie, elle, hésite à rembourser une offre qui relève davantage du service que de la prestation de soin. Les complémentaires santé ne sont pas hostiles (La Mutualité limousine finance le dispositif de la polyclinique Elsan de Limoges) mais réclament un modèle financier sécurisé par un encadrement des tarifs des nuitées (et des services adjacents) pour éviter tout dérapage.
Tout reste à construire. Les agences régionales de santé (ARS) ont reçu fin juin de la part des 41 établissements pilotes une évaluation deux premières années de l'expérience. Le bilan définitif est attendu en juillet 2020.