Paradoxe de l’histoire : « Pendant des décennies, les médecins du sport ont prêché dans le désert, rappelle le Pr Michel Rieu, président de l’université virtuelle francophone de médecine du sport, et aujourd’hui que les thématiques « sport et santé » sont devenues porteuses, qu’elles sont validées scientifiquement et que le législateur les reconnaît enfin, nous voyons le sport santé accaparé par d’autres spécialités, cardiologie, pneumologie, rhumatologie, rééducation, pédiatrie, nutrition et autre endocrinologie. Les médecins du sport sont mis sur la touche. »
À la suite des études et colloques de l’INSERM, de l’UNESCO, de l’OMS et du CNOSF (Comité national olympique et sportif français), la HAS (Haute autorité de santé) a reconnu en 2011 que l’activité physique (AP) régulière apparaît comme « une priorité de santé publique », pas seulement pour les patients atteints de pathologies respiratoires, cardio-vasculaires ou métaboliques, mais pour la population générale : la pratique de l’AP est considérée comme une thérapeutique à part entière.
Le mois dernier, le message a été reçu par le législateur : « Dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une maladie de longue durée, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient », dispose l’amendement Fourneyron à la loi santé, qui a été adopté le 15 mars à l’Assemblée (et doit encore passer devant les sénateurs). La prescription de l’AP comme thérapeutique non médicamenteuse reste limitée à la prévention tertiaire* et elle est dévolue au seul médecin traitant… qui est très rarement un médecin du sport. « Une formation (lui) est dispensée dans le cadre des études médicales », prévoit le texte. Or, « la formation initiale fait obstinément l’impasse sur ces questions pourtant aussi importantes que la pharmacologie », déplore le Dr Alain Calmat, président de la commission médicale du CNOSF, ex-ministre des Sports et médaille d’argent en patinage artistique). Des groupes de travail vont être constitués pour monter ces enseignements avec les médecins des sports, à la fin de l’année, annonce-t-on au cabinet de Thierry Braillard, le secrétaire d’État aux Sports, et les décrets fixeront les règles.
Plus un seul PU-PH
C’est d’abord avec l’enseignement que le bât blesse. « Tout ce qui a été bâti sur le terrain hospitalo-universitaire est en train de s’effondrer », déplore une ex-ministre, qui ne souhaite pas intervenir publiquement. Le seul PU-PH de médecine du sport (CHU de Rennes) a pris sa retraite l’an dernier et son successeur n’appartient pas à la spécialité. Dans la foulée, avec la réforme du troisième cycle, le DESC de type 1 en médecine du sport, qui avait été créé en 2002, est appelé à disparaître, de même que la capacité en médecine et biologie du sport, une formation créée en 1988 pour remplacer le CES (certificat d’études spécialisées). « Chaque année, le DESC totalise 20 à 25 étudiants, la capacité en accueille 50 à 60, précise le Pr Daniel Rivière (CHU de Toulouse), qui vient de présenter la maquette d’une formation spécialisée transversale (FST), axée sur la médecine et sur la traumatologie du sport, appelée à remplacer DESC et Capacité, avec un effectif national total de 60 étudiants. Nous sommes dans les starting-blocks pour démarrer la FST, dès que les décrets seront passés pour la réforme du troisième cycle, assure le Pr Rivière, qui regrette la disparition de la capacité, mais veut se montrer confiant pour la suite.
« Dans le flou actuel, nous ne pouvons espérer qu’un FST sur un an, alors que le DESC était programmé sur deux ans, déplore le Pr Bruno Sesboüé, MCU-PH et chef de l’Institut régional de médecine du sport de Caen, c’est évidemment une régression pour la spécialité, alors que d’autres, endocrinologues, nutritionnistes et cardiologues récupèrent nos prescriptions en sport-santé. Mais je ne sache pas qu’un cardiologue soit en capacité de traiter une rupture de ligament croisé. »
Alors que les plateaux techniques dédiés à la médecine du sport sont impactés, avec des restrictions sensibles de financement, le Pr Pierre Rochcongar, qui préside le Conseil national professionnel de la médecine du sport (CNPMS, créé en 2014 pour regrouper les diverses structures**), veut « encore croire à une reconstruction possible, avec des nominations de jeunes PH, à Montpellier, Toulouse, Rennes, Caen, Nancy et Saint-Étienne ; en même temps, nuance-t-il, nous ne pouvons que regretter que la spécialité ne soit toujours pas reconnue par le CNU, sous une forme transversale, alors qu’elle s’appuie sur les travaux reconnus des sociétés savantes. C’est un facteur de fragilisation. »
Certificats : une mesure « méprisante »
Le Pr Rochcongar comprend donc « le sentiment de frustration » exprimé par beaucoup dans cette spécialité qui n’en est toujours pas une. Le débat autour des certificats médicaux de non-contre-indication (CMNCI) n’est pas de nature à les rasséréner. Alors que jusqu’en 1984, seuls les médecins du sport étaient habilités à les délivrer, la réforme, adoptée dans le cadre de la loi santé au titre des mesures de simplification administrative, repousse leur validité à deux ou trois ans, et l’étend à plusieurs disciplines à la fois, voire à la pratique du sport en général, toutes disciplines confondues. Le CMNCI devrait rester annuel pour des sports à risques. Parmi eux, la plongée. Mais la fédération subaquatique a supprimé l’obligation de passer par un médecin du sport, ou hyperbare. « Nous trouvons cette mesure très méprisante pour nous, proteste le Dr Mathieu Coulange (médecin hyperbare à l’AP-HM), alors que ce n’est pas un certificat anodin, il y a des risques très spécifiques à cette pratique avec chaque année dix à quinze décès en Méditerranée liés à un état physiologique inadapté. » La fragilisation de la médecine du sport peut mettre les sportifs en danger.
**Société française de médecine du sport, Société française de traumatologie du sport, Collège des enseignants en médecine du sport, Syndicat des médecins fédéraux, Association des médecins jeunesse et sport.
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