Nouveaux goodies high-tech, viennoiseries offertes au petit déjeuner, formation aux dernières technologies ou jeu pour gagner un voyage à un congrès… L'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) et le Formindep, une association de formation professionnelle indépendante, sonnent le tocsin, ce mardi 10 janvier, sur les liens flous qu'entretiennent les facultés de médecine avec l'industrie pharmaceutique.
Leur travail, premier du genre en France, a démarré en 2014. Il a permis de classer les 37 facs sur l'indépendance qu'elles garantissent à leurs étudiants vis-à-vis des laboratoires, dans un article publié sur « Plos One ». Preuve des difficultés à sensibiliser les autorités hospitalo-universitaires sur ce sujet, seuls trois doyens ont répondu aux auteurs de l'enquête malgré cinq relances.
Les premiers résultats sont sans appel. 28 UFR de médecine n'ont entrepris aucune mesure pour se prémunir contre les conflits d'intérêts tandis que les deux facultés qui enregistrent les moins mauvais scores, Lyon-Est et Angers, ont reçu 5 et 4 points sur 26. Lyon-Est propose notamment des cours isolés abordant la question de l'influence des firmes pharmaceutique et des conflits d'intérêts en médecine et s'oppose à la réalisation des examens blancs dans leurs locaux financés par une institution privée…
L'omniprésence des visiteurs médicaux dans les services
En marge de cette enquête, l'ANEMF a invité les étudiants à livrer leur expérience personnelle. À travers plusieurs témoignages, les carabins et internes en médecine évoquent les intrusions régulières de visiteurs médicaux dans leurs services. « Je croise une femme, souriante, adossée au mur. (...) En revenant dans le service, nous la trouvons occupée à démarcher les internes. Le même après-midi, une seconde visiteuse médicale est passée dans le service. Le lendemain, une autre est venue proposer aux internes de se créer un compte sur un site financé par le labo qui l'employait, permettant de s'entraîner à l'interprétation d'explorations fonctionnelles respiratoires, avec, à la clé pour l'interne qui se connecterait le plus, un voyage à New York pour assister à un congrès américain de pneumologie », raconte Claire, externe en 4e année.
Une autre étudiante accuse les visiteurs médicaux de mettre une pression aux jeunes médecins. « La porte du bureau est fermée. Nous discutions d'un dossier compliqué. Les représentants du laboratoire ont frappé et sont entrés. (...). Le jeune homme prend la parole : "Bonjour, excusez-nous de vous déranger ! On voudrait vous parler d'une molécule utilisée en milieu hospitalier depuis peu." L'interne décline, explique l'externe, ajoutant que ces représentants n'ont pas baissé les bras et distribué des plaquettes de présentation. En vingt minutes nous étions tous équipés de réglettes d'évaluation de la douleur et de stylos. »
Le manque de transparence de certains professeurs en question
Des étudiants dénoncent le manque de transparence de leurs professeurs. « On nous dit qu'on va avoir un super cours de simulation cardiologie/urgence. (...) Le jour J, à l'arrivée dans la salle de staff : croissants, jus de fruits et deux personnes inconnues au bataillon… On a finalement une présentation de 20 minutes sur un "nouveau" super-traitement antiagrégant », souligne Gabriel, en 6e année.
Parfois, les stratagèmes sont plus subtils et ciblent, par exemple, le choix des enseignants universitaires. « Dans une faculté de médecine, le conseil de gestion discute de la nomination des futurs MCU-PH (maître de conférences universitaire-praticiens hospitaliers). (...) La liste finale propose une candidate en bonne position qui, en attendant sa nomination, travaille pour un laboratoire pharmaceutique depuis près d'une quinzaine d'années. Inconnue au bataillon sur le plan pédagogique », témoigne @Littherapeute, externe. Le carabin interroge le doyen et membres du conseil dans la salle sur les raisons de ce choix. « Rires dans l'assistance. (...) Et puis, un enseignant lâche "Vous savez, si vous faites le tour de table ici, vous n’en trouverez pas un qui n’ait pas de lien avec l’industrie, donc bon…" », poursuit-il.
Selon les autres résultats de l'étude, dont les détails seront présentés le 13 janvier par le Formindep, seuls trois doyens ont répondu à l'enquête en dépit de nombreuses relances, suggérant que la coopération sur ce sujet ne va pas de soi pour les équipes dirigeantes des facultés.
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