DEPUIS le 14 novembre 2012, les étudiants en médecine, tous cycles confondus, sont engagés dans de vastes discussions au ministère de la Santé sur leurs conditions de travail et de formation. Les conclusions sont attendues le 30 janvier. Dès aujourd’hui l’ANEMF expose ses propres revendications. « L’absence d’un statut juridique pour les étudiants de 1er et 2e cycle entraîne des abus. Il faut de véritables solutions pour remédier à leur précarité », déclare le président Pierre Catoire. Sur la table, 13 doléances concernant le statut des étudiants, leur reconnaissance sociale, et leur rémunération.
Un statut précis d’agent hospitalier
L’externe est un agent de service public d’après le code de la santé. « Nous sommes acteurs du centre hospitalier universitaire (CHU), nous faisons partie de l’équipe médicale. Or nous n’avons pas les droits qui correspondent et que nous demandons : droit de grève, droit syndical, droit à la protection sociale et juridique », déplore Jordane Chaix, vice-président en charge des études médicales.
L’ANEMF appelle de ses vœux une clarification des missions des externes. Plus de la moitié (56 %) se disent exploités en stage, et 60 % ne se sentent pas formés*. « On se retrouve à faire le secrétariat de l’interne, du brancardage, ou à ranger par ordre alphabétique des centaines dossiers », détaille Jordane Chaix. « En théorie, notre place est auprès du patient. En réalité nous nous en éloignons pour palier le manque de personnel des CHU », poursuit-il.
L’externe devrait au contraire pouvoir se concentrer sur ses tâches : tenue des observations médicales de ses patients, actes médicaux de pratique courante, service de garde, et permanence des soins en cas de crise sanitaire.
D’autres droits sont essentiels aux yeux de l’ANEMF pour éviter les abandons de vocation au milieu du cursus. Un tiers des externes ne bénéficie pas du repos de sécurité après une garde de nuit. « Les doyens ne sont pas toujours ouverts sur ce sujet, ils nous répondent que c’était pareil à leur époque. Nous devrions avoir le droit de ne pas aller en cours après une nuit de garde », réclame Pierre Catoire.
Les externes souhaiteraient également avoir accès à la cafétéria du lieu de stage (1 sur 5 s’en plaignent) et pas seulement au restaurant universitaire, à une chambre de garde et au bénéfice de la gestion du linge.
15 % se plaignent de harcèlement
L’affiliation au régime général de la Sécurité sociale peut tourner au parcours du combattant. Encore 16 % des externes dépendent de la branche étudiante par manque d’information lors de l’entrée en 4e année. Les redoublants sont les premières victimes. Leur stage obligatoire - et rémunéré - au CHU est de courte durée, et ils ne sont parfois pas payés pour les stages demandés par l’université. Ils perdent alors leur affiliation au régime général. Les étudiants découvrent cette situation au pied du mur, comme Maxime Hubat, à Rennes : « Je ne comprenais pas, j’allais devoir travailler deux mois à l’œil, sans fiche de paie. Je ne serai plus couvert par la Sécu. Pourtant je cotiserai forcément les dix autres mois de l’année, mais voilà, je ne suis pas un vrai salarié ».
Autre gage de reconnaissance, l’ANEMF demande l’intégration des étudiants aux instances de dialogue social à l’hôpital. Concrètement, ils attendent que les conclusions du rapport Couty sur le pacte de confiance entérinent leur siège au sein de la commission médicale d’établissement (CME). « Pour la première fois, nous avons participé aux réunions », souligne Pierre Catoire.
Plus délicat, les externes aspirent à un rééquilibrage de leur relation avec les maîtres de stage, parfois tumultueuse. Un tiers des étudiants renonce aux 30 jours de congés payés annuels à cause des pressions des chefs de service, 15 % se plaignent de harcèlement, et parmi les 26 % qui se disent victimes de remarques homophobes, sexistes ou racistes, 80 % sont des femmes. L’association souhaite la création d’une commission d’agrément des terrains de stages pour les externes pour en vérifier la pertinence.
Trop d’heures, payées au lance-pierres
Un étudiant sur deux estime travailler trop d’heures par semaines.
L’ANEMF demande la redéfinition stricte du temps de travail. Le total des heures de travail hospitalier et universitaire ne doit pas dépasser 40 heures par semaine, avec des demi-journées de travail de 4 heures. La durée d’une garde devrait être fixée à 12 heures. « Actuellement, on peut travailler 12 ou 24 heures, en semaine ou en jour férié, indistinctement, pour 26 euros », conteste Amélie Sabzé, vice-présidente en charge des questions sociales.
Les externes attendent enfin un coup de pouce significatif du côté des rémunérations. Ils sont près de 20 % à être salariés parallèlement à leur exercice hospitalier et 11 % à souscrire un prêt. En pratique, l’ANEMF plaide pour l’instauration d’un contrat de travail entre l’étudiant et son CHU et la mise en place d’un guichet unique payeur, pour éviter que les stages dans les hôpitaux périphériques, qui ne reçoivent pas de crédit, soient ou refusés, ou très mal défrayés. Elle propose surtout une nouvelle base de rémunération : de 438 euros mensuels bruts pour les étudiants de 4e année (au lieu de 128 euros aujourd’hui) à 645 euros bruts en 6e année (contre 277 euros).
Selon les externes, le ministère de la Santé serait disposé à avancer sur les sujets où le flou juridique est tel qu’il frise l’illégalité (ou pour donner des consignes plus strictes aux hôpitaux afin d’appliquer les règles). Le président de l’ANEMF Pierre Catoire a été reçu vendredi à l’Élysée, par le conseiller santé de François Hollande Olivier Lyon-Caen. « L’Élysée est ouvert à la nécessité d’améliorer notre statut, la protection sociale, le repos de sécurité mais c’est plus difficile côté rémunération », estime Pierre Catoire.
*Enquête par questionnaire diffusée du 10 au 25 décembre 2012 par l’ANEMF via réseaux sociaux et mail auprès des étudiants de 2e cycle.
Un tiers ont répondu, soit 7 200 participants.
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