« L’accès de tous les étudiants à une protection sociale effective et donc aux soins ne semble pas assuré de façon satisfaisante », dénonce le Défenseur des droits (DDD) dans un rapport d’enquête (mai 2015, voir ci-dessous le document dans son intégralité) qui fait suite à plusieurs contributions déjà très sévères pour la Sécu étudiante.
Dans ce document intitulé : « Accès des étudiants aux soins : leur protection sociale est-elle à la hauteur des enjeux ? », le Défenseur des droits Jacques Toubon s’appuie sur 1 500 témoignages recueillis sur son site internet, via un questionnaire mis en ligne du 5 décembre 2014 au 5 février 2015.
Un quart des étudiants peinent à s’affilier
Le parcours du combattant commence dès la prise de contact. Les étudiants sont 26 % à rencontrer des problèmes d’affiliation avec une des 11 mutuelles étudiantes*.
Les retards d’affiliation (parfois plusieurs mois) placent l’étudiant dans un entre-deux entre son ancien régime et le régime étudiant : il ne peut pas obtenir le remboursement de ses dépenses. 23 % ont ainsi été contraints de faire l’avance des frais de santé.
Cette situation peut être dramatique pour les patients en ALD ou titulaires de la CMU-C qui différent leurs soins pour raisons financières. Ce fut le cas pour Mathias Picard, insulinodépendant, dont la mère a attiré l’attention du Défenseur sur ce sujet. L’institution demande un suivi particulier des dossiers des étudiants en ALD.
La déclaration du médecin traitant pose problème à 19 % des étudiants, injustement pénalisés pour des dépenses « hors du parcours coordonné », dénonce le rapport. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une défaillance de la mutuelle étudiante qui n’a pas pris en compte le médecin déclaré auprès du précédent régime, ou qui a perdu ou négligé le formulaire de déclaration.
Un tiers des étudiants sans carte Vitale fonctionnelle
Autre enseignement : 36 % des étudiants ont des difficultés à obtenir une carte Vitale fonctionnelle, conduisant à un surcroît de démarches, à des avances de frais et des retards (la proportion de feuilles de soins papier est de 21 % pour le régime étudiant, contre 10 % en général). Les étudiants sont 60 % à se plaindre de difficultés pour obtenir le remboursement de leurs dépenses.
Effet collatéral, les professionnels ont parfois des réticences à accorder aux jeunes le bénéfice du tiers payant. « Des étudiants se sont vu imposer par le professionnel de santé de faire l’avance de leurs dépenses ou de déposer un chèque de caution, afin de garantir le professionnel d’un défaut de paiement de la mutuelle de l’étudiant », lit-on.
Le rapport attire l’attention sur le cas des étudiants étrangers, soumis à des démarches administratives complexes, ou français en formation à l’étranger - qui sont 10 % à se débattre pour obtenir une carte européenne d’assurance-maladie (CEAM).
Un service public qui laisse à désirer
Au-delà de leur statut, c’est en tant qu’usagers d’un service public que les étudiants sont lésés.
Contacter sa mutuelle est en soi un défi, relève le Défenseur des Droits, qui dénonce l’absence de réponse des organismes ou des réponses trop tardives. Deux tiers des étudiants ont le sentiment de n’être pas écoutés par leurs interlocuteurs, et autant jugent les réponses inutiles voire incompréhensibles.
Ils sont pourtant plus de la moitié à se déplacer en agence pour obtenir des explications. « L’inflation stérile des échanges entre étudiants et mutuelles résulte principalement de l’incapacité de ces dernières à gérer les flux de documents et données transmis par les étudiants ou les professionnels de santé », tance le rapport.
L’institution regrette une mauvaise information des étudiants, et notamment des voies de recours dont ils disposent pour contester les décisions (95 % des jeunes n’en ont pas été avertis).
Jeunes livrés à eux-mêmes
Plus largement, la critique vise une information institutionnelle « variable, lacunaire voire inexistante » sur les droits. Les jeunes qui travaillent parallèlement à leurs études (ou qui terminent leurs études) sont livrés à eux-mêmes et se retrouvent souvent en rupture de droits.
Enfin, le Défenseur émet des doutes sur la probité de certaines mutuelles qui proposent des contrats d’assurance santé complémentaire à des étudiants déjà ayants droit ou éligibles à la CMU-C.
Parmi les recommandations de Jacques Toubon : l’amélioration significative des délais d’affiliation et de remboursement, un suivi plus attentif pour s’assurer de l’effectivité des droits, ou encore une meilleure qualité de réponses par un personnel plus aguerri.
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