Dans le futur

Pour une formation pluriprofessionnelle initiale

Publié le 04/12/2012
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PENDANT LONGTEMPS, l’éducation thérapeutique n’était pas du tout enseignée au cours de la formation initiale des soignants, notamment des médecins, exception faite des études d’infirmières intégrant une approche holistique. La formation était très centrée sur les sciences dures, peu sur les sciences humaines, avec peu, voire pas, de place pour la relation soignant soigné ou le « travailler ensemble », qui fait partie intégrante de l’éducation thérapeutique.

« Désormais, il semble essentiel de revoir les programmes pour donner une plus large place aux sciences humaines et de promouvoir les échanges entre soignants. L’éducation thérapeutique n’est pas un domaine réservé à une catégorie de soignants, elle doit être intégrée aux soins de tous les soignants. L’avenir est à la formation pluriprofessionnelle initiale, estime le Pr Alfred Penfornis, en soulignant que des évolutions commencent à voir le jour. L’Association française pour le développement de l’éducation thérapeutique (AFDET) y contribue à travers des séminaires, mis en place depuis deux ans, qui réunissent, pendant trois séances de deux jours, des futurs médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, sages-femmes, infirmières… Des rencontres qui connaissent un vif succès ».

Autre nécessité pour le futur : développer l’éducation thérapeutique en soins primaires. « La majorité des programmes déposés à l’Agence régionale de santé (ARS), dont 30 % concernent le diabète, sont issus du milieu hospitalier, alors que le diabète de type 2 relève d’une prise en charge en soins primaires, note le Pr Penfornis. Et si la loi impose que tout patient ayant une maladie chronique ait une éducation thérapeutique, une petite minorité en bénéficie. L’évolution se fera, mais à l’échelle d’une ou deux décennies ».

Mieux exploiter les ressources existantes.

Un des écueils tient à l’organisation actuelle des soins : le paiement à l’acte va à l’encontre de cette approche. Il faut donc envisager d’autres modes de rémunération, comme cela se fait déjà dans certaines maisons médicales.

Autre obstacle : la confusion sur la définition même de l’éducation thérapeutique. « Pour de nombreuses personnes, cela se résume à des ateliers en groupes, avec un programme construit par les soignants et une démarche qui reste très paternaliste. On confond l’outil avec la démarche éducative globale, qui vise à aider le patient à prendre soin de lui-même, selon la définition de l’AFDET, et qui repose sur une première étape, le diagnostic éducatif, ou mieux, le bilan initial partagé (avec le patient), qui permet de cerner les besoins du patient, et, au-delà, d’une personne », insiste le Pr Penfornis. Le soignant et le patient conviennent ensemble des priorités sur la base de ce bilan. L’éducation thérapeutique est ainsi individualisée et peut faire appel selon les besoins à des ateliers de groupe, mais aussi à des séances individuelles (avec toujours le problème du paiement à l’acte et du manque de formation des soignants), ou à toute une palette d’outils qui doivent être développés. Il peut s’agir d’un entretien avec un assistant social, avec un diététicien ou un éducateur médico-sportif, par exemple. Pour que cette approche soit possible en ville, il faut bien sûr que les praticiens libéraux sachent de quelles ressources locales ils disposent, ce qui n’est pas toujours le cas.

« Plus que de nouvelles ressources, nous avons besoin de mieux exploiter les ressources existantes. Il est possible de faire beaucoup mieux avec ce dont nous disposons, mais cela implique un changement d’état d’esprit des soignants, et notamment le développement d’une démarche plus humaniste des soins. C’est un travail de longue haleine, qui dépend aussi de la réorganisation du système de soins. La partie sera gagnée quand on ne parlera plus d’éducation thérapeutique, car elle sera intégrée aux soins », conclut le Pr Alfred Penfornis.

D’après un entretien avec le Pr Alfred Penfornis, responsable du DU d’éducation thérapeutique, université de Franche-Comté, service d e diabétologie-endocrinologie-nutrition-métabolisme, CHU de Besançon.

Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Bilan spécialistes