Filière roumaine, formations douteuses...

Pr Berland (ONDPS) : « Le risque d’une dérégulation du système de soins »

Publié le 04/03/2013
Article réservé aux abonnés
1362394034414590_IMG_100242_HR.jpg

1362394034414590_IMG_100242_HR.jpg

1362394030414406_IMG_100223_HR.jpg

1362394030414406_IMG_100223_HR.jpg
Crédit photo : S Toubon

LE QUOTIDIEN - Des étudiants français se forment en médecine en Roumanie, un centre étranger s’installe en France qui pourrait ouvrir bientôt des antennes médicales. Cela vous inquiète-t-il ?

PR YVON BERLAND - Oui car cela risque d’entraîner une dérégulation du système de soins en France. La France accueille beaucoup d’étudiants en médecine roumains qui suivent une spécialisation. Or, il n’ont pas le niveau de nos médecins ! Ils n’ont pas les mêmes connaissances théoriques (en physiologie, en physiopathologie) et pratiques.

J’ai alerté les pouvoirs publics sur l’ouverture du centre Fernando Pessoa à Toulon (et bientôt à Béziers,NDLR). La ministre de l’Enseignement supérieur a dit qu’elle serait vigilante mais la réglementation européenne s’impose. Si cette université parvient à s’implanter sans que l’on puisse rien y faire, je crains que cela n’entraîne d’autres universités européennes à ouvrir des antennes en France pour recruter des étudiants qui n’ont pas franchi le numerus clausus.

Que faire face à ce contournement du numerus clausus ?

L’université française dans son ensemble doit être consciente que ces antennes installées sur notre territoire formeront des étudiants dans d’autres filières que la santé. Je lance un appel aux pouvoirs publics : nos universités doivent être reconnues, gouvernables, organisées, si nous voulons qu’elles soient considérées comme sérieuses pas nos lycéens et leurs familles. Sinon, les jeunes se tourneront vers ces antennes privées étrangères payantes. L’université française doit capitaliser sur ses atouts. La formation y est meilleure par le sérieux de ses enseignants chercheurs, sa recherche, la stabilité de sa gouvernance.

Cette situation vous pose-t-elle problème pour réaliser des projections démographiques ?

En 2006, la DREES projetait que le nombre de médecins baisserait en 2013. Or, on assiste toujours à une augmentation du nombre de médecins ! Pourquoi ? Car ces projections ont été réalisées à partir du numerus clausus et de la répartition des postes d’internat sans prendre en compte le recrutement de médecins étrangers. Aujourd’hui, ils sont 18 000 à exercer en France - 8 500 diplômés européens et 9 500 titulaires d’un diplôme hors UE- soit 8,6 % des praticiens sur le territoire. Nous devons en tenir compte lorsque nous construisons nos projections ou nos courbes seront de plus en plus éloignées de la réalité.

Dans ces conditions, le numerus clausus a-t-il encore un sens ? Faut-il le supprimer ?

Non, il ne faut pas supprimer le numerus clausus car on assisterait à une dérégulation plus importante encore. Nous devons mettre en place des systèmes d’observation des diplômés européens et non européens. Pourquoi ne pas mentionner sur les ordonnances l’université où le médecin a obtenu son diplôme ? Il faut aussi revoir le système de notation des ECN qui permet à un étudiant de devenir médecin avec des notes très faibles. Une note couperet permettrait d’éviter que des candidats, notamment les étrangers qui passent les ECN, soient diplômés avec des notes proches de 0.

Des étudiants pourront toujours suivre une formation complète dans un pays d’Europe puis exercer en France...

Oui, il existera toujours cette voie de contournement. Mais ces médecins ne pourront pas se targuer d’avoir été internes des hôpitaux français.

 PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 9223