Entretien avec le nouveau président des doyens

Pr Perrotin : « pour un service public des jeunes médecins de deux à trois ans »

Publié le 14/06/2012
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Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN – L’Ordre des médecins a proposé de contraindre les jeunes diplômés à s’installer pendant cinq ans dans les régions où ils ont suivi leurs études. Qu’en dites-vous ?

PR DOMINIQUE PERROTIN – La situation devient très délicate pour accéder à un médecin généraliste dans certains territoires mais aussi à certains spécialistes dans des villes moyennes. Les épreuves classantes nationales (ECN) ont accentué ce problème car elles ont permis aux étudiants mal classés de redoubler. Tous les ans, 600 étudiants n’ont volontairement pas choisi la médecine générale. Depuis 2004, 5 000 postes de médecine générale n’ont pas été pourvus. Un décret paru en août dernier a mis fin à ce système. Les étudiants doivent désormais valider leur DCEM4 (sixième année) pour être classés aux ECN mais un seuil de 8 % est toujours autorisé à redoubler. Les mesures incitatives locales, régionales, et les contrats d’engagement de service public (CESP) sont d’excellentes mesures mais leurs effets sont insuffisants.

D’où la nécessité d’être plus dirigiste entre la fin des études et l’installation ?

Oui, tout à fait. La proposition du CNOM a le mérite de relancer le débat et d’obliger l’ensemble des acteurs et décideurs à avancer sur ce dossier. La conférence des doyens est un peu moins jusqu’au boutiste sur la durée de l’obligation. Je fais partie des doyens qui sont favorables à un devoir de service public de deux à trois ans vis-à-vis de la nation. Mais les efforts doivent être accompagnés par les médecins déjà en place. Ce n’est pas à cette génération de jeunes de payer maintenant pour les mesures que nous n’avons pas prises depuis dix ans.

Vous vous êtes prononcé pour l’interrégionalisation des études de santé. Cela signifie-t-il que vous êtes favorable au retour du concours de l’internat ?

Je me suis en effet prononcé pour un retour à des concours d’internat interrégionaux. Les ECN ont créé des migrations de médecins. Il serait souhaitable de permettre une mobilité à nos étudiants, au-delà de leurs régions d’origine. On pourrait imaginer par exemple qu’un pourcentage d’étudiants les mieux classés puisse être autorisé à bouger entre les régions.

Êtes-vous favorables à l’informatisation des ECN ?

Oui, nous y travaillons et espérons que cela pourra se mettre en place pour 2015. L’un des problèmes actuels des ECN est une docimologie défaillante pour classer les candidats (8 000 étudiants sont classés en 1 000 points avec beaucoup d’ex aequo, NDLR). Dans un souci d’équité, des QCM seraient préférables car plus faciles à corriger et à informatiser.

Des étudiants rencontrent des difficultés à obtenir un post-internat et à valider leur diplôme d’études spécialisées (DES) de type II. Comment leur venir en aide ?

Il faudrait suivre les recommandations de la commission nationale de l’internat et du post-internat (CNIPI) et dissocier l’attribution d’une spécialité avec le post-internat. Nous devons pouvoir former nos spécialistes, comme dans le reste de l’Europe, avec un 3e cycle en 4, 5 ou 6 ans selon les spécialités. À la fin de son 3e cycle, tous les étudiants suivraient une période de seniorisation au terme de laquelle, ils deviendraient spécialistes et pourraient exercer où ils veulent. Certains candidats qui veulent prolonger leur carrière dans les hôpitaux pourraient accéder à la fin de leur internat à un clinicat ou un poste d’assistant des hôpitaux.

Vous êtes partisan d’une sélection à l’entrée de la première année commune aux études de santé (PACES). Pourquoi ?

La PACES n’a pas permis de limiter le gâchis humain de la première année car elle n’a pas changé les chiffres du numerus clausus. Les passerelles mises en place sont insuffisantes. Faire entrer des étudiants en septembre pour les faire sortir de la faculté le 15 décembre n’a aucun sens. La conférence des doyens s’est prononcée pour une présélection, en diminuant le nombre d’étudiants à l’entrée des études de santé. L’Angleterre et l’Allemagne procèdent à une présélection sur les notes du Bac et sur un test d’aptitude. Arrêtons de nous regarder le nombril et voyons ce qui se fait au-delà de nos frontières.

 PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 9142