« Aurai-je un médecin généraliste demain ? Comment sera-t-il formé ? Pourrai-je le choisir ? »
Dans un livre* percutant, le Pr Patrice Queneau, ancien doyen de Saint-Étienne et membre de l'Académie de médecine, et le Dr Claude de Bourguignon, 40 ans d'exercice, tentent d'apporter une réponse à ces questions et livrent leur ordonnance pour « sauver le médecin généraliste », titre de leur ouvrage.
Les deux praticiens reviennent sur les causes lointaines de la « désaffection dramatique » des jeunes pour l'exercice de cette discipline, l'enseignement toujours trop hospitalo-centré, la méconnaissance de la médecine générale à l'heure du choix d'internat. Ils dépeignent « l'image calamiteuse d'une spécialité mineure » renvoyée aux étudiants, les semaines de 60 heures, une profession « soumise à des exigences administratives de plus en plus envahissantes et des niveaux d'honoraires totalement inadaptés à des consultations prolongées ».
Pas condamnés
En dépit de sa reconnaissance universitaire avec la création d'un DES en 2004, les généralistes demeurent les « sélectionnés par l'échec, majoritairement tout du moins ».
Quel avenir pour le métier ? « Celui d'un trieur super-secrétaire de l'administration, qui réorienterait vers des paramédicaux spécialisés moins onéreux et des spécialistes plus compétents que lui », ironisent les deux auteurs, qui brocardent les « esprits très supérieurs » avocats de cette théorie au mépris de la réalité de terrain.
Non, les généralistes ne sont pas condamnés, affirment le Pr Queneau et le Dr de Bourguignon. Ils veulent croire que les protocoles et nouveaux logiciels ne remplaceront jamais l'expertise clinique du médecin, sa capacité à écouter, interroger, examiner, diagnostiquer, rassurer et traiter ou accompagner le patient.
Autre message fort : en dépit de la dégradation de leurs conditions de travail et d'un « sentiment de dévalorisation » du métier, les généralistes gardent toute la confiance de leurs patients.
Accepter de déléguer
Il est pourtant nécessaire, soulignent les auteurs, de faire évoluer la formation des futurs généralistes pour l'adapter aux mutations du métier : exercice de plus en plus collectif, patients plus âgés et complexes, demande sociale…
Il faut en premier lieu diversifier le profil des futurs médecins qui demeurent dans leur très grande majorité des scientifiques. Le concours de la PACES, « de pur bachotage, démédicalisé, déshumanisé », est jugé « inapproprié » et doit être réformé en urgence. L'ex-doyen Queneau recommande que les étudiants remplissent deux prérequis pour s'inscrire dans le cursus de santé : avoir validé un brevet d'aptitude à délivrer les premiers secours et avoir réalisé un stage de découverte d'une semaine à l'hôpital ou en médecine libérale pour vérifier la véritable motivation de l'aspirant médecin.
Afin d'encourager les vocations, les auteurs préconisent l'expérimentation d'une filière spécifique de médecine générale ouverte au concours dès la fin de la première année. En contrepartie d'une aide financière pendant les études, les futurs omnipraticiens s'engageraient, une fois diplômés, à exercer pendant quelques années dans une zone déficitaire. « Il faudra aussi accepter de déléguer certaines tâches pour libérer du temps purement médical », affirment les auteurs.
Même si elles ne sont pas le modèle unique, les maisons de santé sont présentées comme « une des clés de l'avenir dans les milieux ruraux, les banlieues ». Dans la boîte à idées qui ponctue leur ouvrage, les auteurs formulent d'autres propositions plus convenues pour préserver la médecine générale : revaloriser les consultations selon leur complexité, schéma amorcé dans la dernière convention médicale, renforcer le tutorat par les pairs ou encourager la télémédecine.
* 320 pages, 23 euros, paru aux éditions Odile Jacob
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