Une semaine après le début de son examen par les députés, la proposition de loi Garot qui remet en question la liberté d’installation des médecins libéraux continue de faire couler beaucoup d’encre. Farouchement opposés à cette mesure de l’article 1 du texte du député socialiste, les jeunes médecins généralistes de Reagjir viennent de publier un argumentaire qui entend dénoncer les « fake news » et les « idées reçues » qui entourent selon eux l’accès aux soins et l’installation des professionnels de santé. Florilège.
« 13 % du territoire correctement doté en termes d’accès à un médecin généraliste »
Pour le syndicat, cette assertion est utilisée de manière illusoire par les avocats de la régulation à l’installation dans certains territoires qui seraient bien pourvus. Se fondant sur la carte des zonages des ARS, Reagjir juge que ce pourcentage de prétendues zones surdenses ne reflète absolument pas la réalité, puisque les médecins déjà installés y sont également sous l’eau. Vouloir réguler les nouvelles installations est donc absurde, dans un contexte de pénurie généralisée. « Il est illusoire de fantasmer un monde binaire divisé entre zones sous-dotées d’un côté et surdotées de l’autre, où il y aurait soi-disant trop de médecins », recadre le Dr Raphaël Dachicourt, président de Reagjir. « La vraie cause de cette difficulté d’accès aux soins ? Moins de médecins de ville et plus de patients », insiste le syndicat, rappelant que la presse locale se fait écho des difficultés d’accès aux soins dans toutes les communes.
« Le groupe de travail transpartisan défend une approche ouverte et globale de la lutte contre les déserts »
Pour Reagjir, qui fonde son argumentaire sur un rapport sur la pénurie médicale de la Drees (ministère de la Santé, 2021), c’est faux car la proposition de loi assume sa volonté d’encadrement (même si elle ne parle pas de coercition). Ainsi, les députés alliés de Garot ne cherchent « pas d’autres issues » (que la régulation) et ce « malgré les propositions portées par les médecins », avance Reagjir. Or, la Drees « met clairement en avant comme levier principal “Le soutien aux professionnels et l’amélioration de leur cadre de vie et de travail”, complètement absent de la proposition de loi ». CQFD.
« L’effet immédiat de l’article sur la régulation est de stopper l’aggravation continue des inégalités d’offre de soins entre les territoires »
Là encore, toujours selon le syndicat, cette phrase relève du fantasme. Évoquant à nouveau le rapport précité de la Drees, Reagjir souligne que les experts « ne sont pas en capacité de conclure à l’efficacité de cette mesure de régulation ». De plus, ajoute-t-il, « les expériences menées à l’international n’ont pas non plus été concluantes ». « L’effet immédiat de cet article sera le détournement de l’installation des jeunes et futurs médecins vers d’autres modes d’exercice », appuie le Dr Raphaël Dachicourt. Autrement, la régulation aura un effet contreproductif, dissuasif, qui pénalisera l’ensemble de l’exercice libéral. Sans compter que cela pénalise surtout la nouvelle génération et non pas les cohortes de praticiens déjà installés.
« La régulation à l’installation fonctionne ailleurs et dans les autres professions de santé »
C’est un autre argument régulièrement avancé par les avocats de la régulation à l’installation des médecins. Mais Reagjir, citant l’Allemagne et le Québec qui ont durci leurs règles en la matière, estime qu’Outre-Rhin, « les inégalités d’accès aux soins perdurent et le conventionnement sélectif a contribué à détourner les jeunes vers d’autres types d’exercice ». Pour ce qui est du Québec, « la régulation n’a pas résolu la pénurie », ajoute Reagjir – sans pour autant aller plus loin dans son propos.
Quant à la comparaison interprofessionnelle, elle « omet de prendre en compte les différences de dynamique démographique, en particulier dans le secteur libéral [...]. Les généralistes sont les seuls professionnels de santé avec une démographie en baisse, d’où une comparaison impossible avec les autres professions de santé, régulées du fait d'un accroissement de leur densité totale ». Selon Julien Mousquès, chercheur à l’Irdes interrogé par Reagjir, « d’ici à 2030-1935, lors du rebond démographique, peut-être pourra-t-on, légitimement se poser la question. D’ici là, il sera difficile de trouver une zone surdotée ».
« La régulation de l’installation pourrait permettre chaque année à près de 600 000 patients de retrouver un accès régulier à un médecin, voire de retrouver un médecin traitant »
À nouveau, cette analyse est erronée car pas assez rigoureusement étayée, insiste Reagjir. Le syndicat s’attarde sur le chiffre de 435 installations annuelles qui pourraient être empêchées dans les zones dites surdotées avec l’application de la loi Garot. « Il n'y a aucune donnée qui permet d'affirmer que celles-ci se reporteront dans les territoires sous-dotés », martèlent les jeunes.
« Les principaux intéressés soutiennent la régulation de l’installation »
C’est faux, clame encore Reagjir. Certes, selon un sondage de la FHF sur l’accès aux soins, 86 % des Français sont en faveur d’une régulation de l’installation des médecins. « Cependant, il n'est pas entendable d'utiliser de telles données parcellaires pour justifier une mesure de régulation aussi rigide », tonne Reagjir. « Combien de Français sont conscients que cela signifie interdire l'augmentation de l'offre de soins ambulatoires dans leur commune ? », interroge le Dr Dachicourt. Le syndicat observe aussi que l’Association des départements de France, l'Association des maires de France et l'Association des maires ruraux de France, « eux aussi conscients du danger, s'opposent unanimement à cette mesure de régulation », à l’unisson de la profession.
« La régulation de l’installation entraînera une crise des vocations »
Cette fois, c’est vrai ! glisse le syndicat. « Peut-être que la filière médecine restera attractive comme elle l’est aujourd’hui mais il est peu probable que ces médecins veuillent s’installer, s’orientant plutôt vers l’hôpital ou une autre forme d’exercice moins contraignante », insiste à nouveau Reagjir, qui dénonce la logique « simpliste », « biaisée », voire « électoraliste » des arguments pro-régulation.
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