Au CMGF, le débat sur les docteurs juniors et l’absence d’annonces politiques embrasent les foules

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Publié le 31/03/2025

La réforme sur la quatrième année d’internat en médecine générale a cristallisé les débats du CMGF, vendredi 28 mars à Paris. Malgré l’absence de dernière minute de la DGOS (ministère de la Santé), l’ARS Île-de-France a tenté de rassurer les futurs docteurs juniors… En vain.

Crédit photo : ROMUALD MEIGNEUX

Une salle comble pour un sujet explosif. Vendredi 28 mars, 14 h 30, les internes en médecine générale se sont massivement rués dans la salle Maillot du Palais des congrès à Paris. Et pour cause : la plénière organisée par le CMGF aborde la mise en œuvre de la réforme du diplôme d’études spécialisées (DES), créant une quatrième année d’internat dès novembre 2026… Mais suscitant, surtout, de vives préoccupations parmi les futures blouses blanches très attendues pour combler les manques de praticiens dans les déserts médicaux. « Combien de temps pour s’informer sur les conditions d’accueil et les démarches à réaliser ? Combien de temps pour s’équiper ? Combien de temps pour être choisi ? », s’interroge d’emblée le Pr Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale (CMG), dans une courte allocution aux étudiants avant le début des hostilités.

« Vous avez signé pour neuf ans, on vous en a collé dix », grince sèchement le Dr Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la Fédération des médecins de France (FMF), chaleureusement salué par la foule. Et le généraliste toujours en exercice à Clamart (Hauts-de-Seine) à l’aube de ses 80 ans a bien excité l’assistance, égrainant ses revendications pour la nouvelle génération : « Doubler le salaire des internes, garantir un MSU (maître de stage universitaire, NDLR), un logement avec une garde d’enfant. » Et d’insister, encore : « Doubler le salaire d’un bac +10 qui a de telles responsabilités, excusez-moi, mais cela ne me choque pas. »

La DGOS grande absente des débats

Au-delà de leur rémunération, les internes en médecine générale s’inquiètent de ne pas trouver de MSU en cabinet, et, surtout, de ne pas pouvoir conjuguer cette année d’internat supplémentaire avec leur vie privée. Autant d’interrogations à soumettre à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’organe du ministère de la santé aux manettes de la réforme si redoutée par les internes, attendue au CMGF… Sauf que son représentant, le Dr Mickael Benzaqui – par ailleurs ancien président du syndicat des internes (Isni)-, a finalement posé un lapin. Une absence évidemment « regrettée », a pointé dès le début de la plénière le modérateur, Dr Yohan Saynac, médecin généraliste à Pantin (Seine-Saint-Denis) devant des spectateurs qui rient jaune.

S’agissant de l’administration, la foule se sera donc contentée des prises de parole de Laure Wallon, directrice du pôle ressources humaines en santé à l’ARS Île-de-France et du Pr Alain Jami, à la coordination des DES de médecine générale en région parisienne. Précisant qu’« environ 500 internes en médecine générale devraient commencer leur phase de consolidation en Île-de-France en novembre 2026 », la première a bien essayé de rassurer les futurs docteurs juniors, promettant la mise en place d’une organisation bien ficelée : « un chargé de mission sera positionné sur chaque département avec un coordonnateur de l’ARS », annonce-t-elle. « On essaie déjà d’établir une cartographie des potentiels lieux de stage des docteurs juniors. La répartition géographique des maîtres de stage est assez homogène sur le territoire, 56 % se trouvent en grande couronne et Seine-Saint-Denis », complète le second. Sans aucun applaudissement dans la salle.

Qui pour accueillir les docteurs juniors ?

Il faut dire que leurs propos, d’apparence rassurants, sont vite contrebalancés par les résultats d’une étude menée par l’URPS Île-de-France, présentés par le Dr Richard Handschuh. « On a appelé 4 600 médecins généralistes installés en Île-de-France et non MSU, seuls 703 sont volontaires pour devenir maître de stage. Et surtout, à peine 108 nouveaux MSU ont déjà été recrutés par les facultés, a détaillé ce généraliste exerçant à Paris depuis 1979. On est en route, il va falloir faire de très gros efforts pour arriver aux résultats espérés. Ma crainte pour l’Île-de-France, c’est qu’il y ait trop de docteurs juniors qui terminent à l’hôpital ».

Une crainte partagée par Bastien Bailleul, président de l’Isnar-IMG, qui exige le report de la réforme afin d’éviter cet afflux de docteurs juniors vers les hôpitaux plutôt que les cabinets en ville. « Évidemment que les généralistes ne retourneront pas en ambulatoire après cette année-là et ça, ce n’est pas bon pour l’accès aux soins », a-t-il clamé, soutenu par de nombreux internes dans l’assistance. D’après lui, la création de la quatrième année d’internat doit surtout « être l’occasion d’être formé à toutes les aides disponibles, à l’installation en libéral, à la retraite pour que, finalement, quand arrive enfin le temps du diplôme, on soit déjà dans le grand bain ».

Président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), le Pr Olivier Saint-Lary partage l’inquiétude des internes mais pas leurs solutions. « Exiger un report (de la réforme) aujourd’hui, ce serait ouvrir grand la porte à la loi Garot », qui entend réguler l’installation des médecins de famille. Il appelle plutôt à renforcer les équipes d’encadrants dans les départements de médecine générale à l’université. « En psychiatrie, on est à un enseignant universitaire pour 13 internes alors qu’en médecine générale, c’est de l’ordre d’un pour 50, ce qui pose des difficultés organisationnelles ».

Dans la salle, une dizaine d’internes se sont succédé au micro pour interpeller les orateurs de la table ronde. « Un MSU ne peut avoir que deux étudiants de troisième cycle. Peut-on imaginer une dérogation pour en avoir un troisième ? », interroge-t-on, dans l’espoir de nourrir les réflexions toujours à l’œuvre autour de la réforme. Les intervenants ont ainsi eu l’occasion de démonter certaines rumeurs ou contre-vérités : « Il n’est écrit nulle part qu’il ne peut y avoir qu’un seul docteur junior par structure », insiste le Pr Saint-Lary, répondant à une inquiétude soulevée sur la prétendue impossibilité pour une maison de santé d’accueillir deux docteurs juniors à la fois.

Il n’empêche : passé cette plénière, les internes sont restés sur leur faim. Alors que dans les couloirs du Palais des congrès, se murmuraient que des annonces importantes allaient être faites vendredi soir concernant la réforme de la 4A en médecine générale, l’allocution du ministre de la Santé et de l’accès aux soins s’est finalement avérée décevante. Sous les huées, le cardiologue s’est en effet engagé à publier les décrets d’application « avant l’été ». Il y a deux mois, lors d’un déplacement dans une maison de santé des Hauts-de-Seine, Yannick Neuder avait promis juré de sortir les textes des tiroirs du ministère pour « avril ou mai ».


Source : lequotidiendumedecin.fr