Combien seront rémunérés les docteurs juniors de médecine générale dans le cadre de leur quatrième année d’internat ? Lors de cette phase de consolidation, percevront-ils un salaire fixe (assorti de primes et d’indemnités), comme leurs collègues hospitaliers ? Ou bénéficieront-ils d’un modèle mixte intégrant une part variable en fonction des actes réalisés comme l’avait à l’époque annoncé l’ex-ministre de la Santé François Braun ?
Alors que l’entrée en vigueur de la « 4A » est prévue pour la rentrée 2026 pour environ 3 700 internes, c’est l’une des épineuses questions que doit rapidement trancher le gouvernement. Le ministre de la Santé Yannick Neuder ayant pour l’instant avancé l’hypothèse d’une part fixe, d’une part variable indexée sur le volume de consultations et d’une gratification pour la permanence des soins.
Honoraires : la piste de 25 % de rétrocession
Le brouillard devrait se dissiper bientôt, c’est du moins la requête pressante des étudiants et des enseignants. La mission sur la quatrième année – composée des Prs Olivier Saint-Lary, Nanou Pham, Stéphane Oustric et la Dr Mathilde Renker – a en tout cas remis au gouvernement son deuxième rapport sur le sujet, Ségur ayant prévu de rendre public ce travail ce jeudi 20 février.
Précis et documenté, le document de 84 pages que Le Quotidien s’est procuré réaffirme d’abord l'intérêt d’instaurer un vrai « statut de docteur junior en médecine générale » (à la fois en libéral, et le cas échéant hors secteur ambulatoire libéral).
Le statut de docteur junior de médecine générale exerçant une activité libérale, en secteur 1, serait toutefois différent du statut de docteur junior des autres spécialités. Ainsi, la quatrième année du DES de médecine générale ne validerait pas une année en vue de l’obtention du secteur 2, contrairement aux autres spécialités.
Mais surtout, en ce qui concerne la rémunération, nerf de la guerre, la mission préconise bien deux volets : une « part fixe » correspondant aux émoluments forfaitaires mensuels perçus par tous les docteurs juniors (avec garantie de protection sociale). S'y ajouterait la fameuse « part variable » correspondant à une rétrocession sur les honoraires perçus, fixée cette fois à 25 %* ! À l’époque, François Braun proposait un taux de rétrocession de 20 % des honoraires.
Le nombre d'actes à réaliser serait encadré par un nouveau plancher de « 10 actes par jour » et un plafond de « 25 actes par jour » (au lieu de 30 actes par jour avancé dans la première mouture du rapport). « La fourchette basse tient compte des possibles difficultés que certains étudiants pourraient rencontrer (lenteur, manque de confiance en eux), peut-on lire. La fourchette haute tient compte de l’obligation de respecter le temps de travail légal des docteurs juniors [et] du sentiment d’exploitation que les étudiants pourraient avoir s’ils ont une activité importante ». En clair, la mission s’emploie à trouver un équilibre entre une éventuelle activité modeste et une activité significative, sans devenir ingérable pour l’interne en fin de cursus.
Pour une formation à la fiscalité
À noter que si ce modèle mixte de rémunération était adopté, les docteurs juniors exerçant en secteur ambulatoire libéral ne pourraient pas bénéficier de la prime d'autonomie supervisée annuelle, ni des indemnités forfaitaires de transport et d'hébergement. Une différence justifiée par un souci d’équité avec les docteurs juniors des autres spécialités.
En outre, pour que cette année soit professionnalisante et se rapproche le plus possible de leur exercice futur, les futurs généralistes seraient formés à la fiscalité du secteur 1, ils devront s’inscrire sur tableau spécial à l’Ordre des médecins pour obtenir leur numéro RPPS, être affilié à leur caisse primaire, l’Urssaf ainsi qu’à la Carmf « obligatoirement », indique le rapport.
Quid des docteurs juniors de médecine générale hors libéral ?
Et pour les docteurs juniors exerçant en secteur ambulatoire salarié ou, sur projet professionnel, en secteur hospitalier, la mission prévoit un cadre spécifique aligné sur celui des autres spécialités médicales.
En secteur ambulatoire salarié, notamment dans les centres de santé, le docteur junior bénéficierait d’une rémunération équivalente à celle des docteurs juniors des autres spécialités (émoluments forfaitaires mensuels, prime d’autonomie supervisée, ainsi que des indemnités spécifiques selon plusieurs critères) et aurait pour statut celui défini par le décret du 3 juillet 2018. Dans ce cadre, les honoraires générés par les actes réalisés seraient entièrement perçus par la structure d’accueil, tandis que les maîtres de stage universitaires (MSU) pourraient bénéficier d’un forfait spécifique pour l’encadrement des docteurs juniors (montant à définir). En revanche, « le versement d’une prime au docteur junior, en fonction ou non de son activité, serait laissé à l’appréciation du centre de santé (notification dans la convention de stage si nécessaire) », est-il précisé. Ce qui ouvre la voie à une vraie incertitude sur la rémunération finale…
En secteur hospitalier cette fois, accessible selon le projet professionnel de l’étudiant, les conditions de rémunération suivraient celles appliquées aux autres spécialités (hors médecine générale). Le docteur junior de médecine générale percevrait ainsi des émoluments forfaitaires mensuels et une prime d’autonomie supervisée, ainsi que les indemnités de transport et d’hébergement sous conditions.
Dans l’attente des textes
Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, qui a annoncé fin janvier la création d'un comité de suivi sur la 4e année d'internat en médecine générale, a désormais les cartes en main. Ces recommandations très attendues devraient l’aider à trancher et à formaliser ses décisions par voie réglementaire.
Mais le temps presse : fin janvier, les internes de médecine générale, très inquiets, manifestaient pour obtenir un report de cette réforme, jugée mal préparée. Les enseignants de médecine générale de leur côté réclament depuis de long mois les arbitrages pour organiser dignement cette nouvelle année de formation.
* Autrement dit, le praticien agréé maître de stage des universités (MSU), ou, s’il n’accueille pas lui-même le docteur junior sur le lieu de stage, le praticien accueillant, rétrocède au docteur junior 25% du total des
honoraires correspondant aux actes réalisés par le docteur junior.
Rétrocession sur honoraires : quatre hypothèses, une préférence
Afin de déterminer comment seront perçus et redistribués les honoraires des docteurs juniors qui exercent en libéral, quatre scénarios ont été étudiés.
Le premier modèle prévoit un encaissement par le maître de stage universitaire (MSU), qui rétrocéderait lui-même une partie des honoraires au docteur junior, en conservant le reste.
Une autre option serait que la structure d'accueil encaisse les honoraires, verse une rétrocession au docteur junior et attribue une indemnité pédagogique au MSU.
Un troisième scénario envisage un versement direct ventilé par l'Assurance-maladie, avec une part des honoraires allouée au docteur junior et tout le reste versé au MSU.
Enfin, une dernière possibilité consisterait en un versement direct par l'Assurance-maladie, avec une répartition entre le docteur junior, le MSU et un fonds de formation et de recherche.
La mission préconise de retenir… le deuxième scénario, sauf si le statut juridique de la structure d'accueil l'empêche, auquel cas la première option serait à privilégier (encaissement et rétrocession par le MSU).
Elle estime par ailleurs que le coût supporté par les généralistes MSU ou les structures accueillantes serait compris entre 2 000 et 3 000 euros par mois, selon leur localisation.
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